Source : Cass. civ. 3ème, 7 avr. 2016, n°15-13.900 FS-P+B
I –
Un particulier obtient en justice la nullité du contrat de construction d’une maison individuelle (CCMI) avec fourniture de plans, pour non-respect des énonciations obligatoires du contrat. Il réclame en outre à la banque qui le finançait 10.000 € de dommages-intérêts pour avoir manqué à son obligation de contrôle du contrat de construction. Pour rejeter cette demande, la cour d’appel relève que la banque a seulement l’obligation de contrôler formellement les énonciations du contrat. Elle n’est pas tenue de s’assurer que la notice descriptive contient bien les plans de la construction. La négligence qu’elle a éventuellement commise est donc sans lien avec la nullité du contrat.
II –
La Cour de cassation censure les juges du fond : le banquier est tenu de vérifier, avant toute offre de prêt, que le contrat qui lui est transmis comporte les énonciations mentionnées à l’article L.231-2 du Code de la Construction et de l’Habitation(par exemple la désignation du terrain, l’affirmation de la conformité du projet aux règles de construction, la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment, etc.) Or, les plans de la construction, qui font partie des éléments obligatoires, n’ont pas été annexés au contrat.
III –
A ce sujet, la Cour suprême a progressivement précisé les contours de l’obligation pesant sur le prêteur de deniers dans la vérification des énonciations du contrat. Ainsi :
– Le prêteur n’a pas à vérifier la véracité des pièces qui lui sont produites[1] ;
– Le prêteur n’a pas à vérifier l’efficacité des garanties souscrites mais seulement la souscription de la police dommages-ouvrage[2] ;
– Si le contrat est conclu sous condition suspensive de l’obtention de l’assurance dommages-ouvrage et de la garantie de livraison, le prêteur n’a pas à vérifier que les conditions sont réalisées lors de l’émission de son offre de prêt[3] ;
– Le prêteur ne doit pas vérifier l’« effectivité » des mentions obligatoires dans le contrat, et notamment la réalité de la souscription de la police dommages-ouvrage[4] ;
– Si la souscription de la police dommages-ouvrage fait l’objet d’une condition suspensive du CCMI, le prêteur n’est pas tenu de s’assurer de la souscription effective de celle-ci[5].
L’obligation de contrôle formel du prêteur de deniers dans le cadre d’un CCMI demeure tout de même pesante, notamment depuis que la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation y a adjoint une obligation de renseignement et de conseil, l’obligeant à une analyse systématique de la qualification du contrat[6]. Le banquier n’est pourtant pas un détective…
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Cass. civ. 3ème, 12 févr. 2003, n°01-12.086, FS-P+B
[2] Cass. civ. 3ème, 12 sept. 2007, n°06-16.521, FS-P+B
[3] Cass. civ. 3ème, 16 déc. 2009, n°08-70.143, FS-P+B
[4] Cass. civ. 3ème, 26 sept. 2007, n°06-17.081
[5] Cass. civ. 3ème, 25 févr. 2009, n°08-11.072
[6] Cass. civ. 3ème, 17 nov. 2004, n°03-16.305