La décision de dissolution anticipée d’un ETF appartient à la société de gestion

Antoine DUMONT

L’Autorité des Marchés Financiers a publié, dans son Journal de bord du Médiateur, le cas d’un investisseur confronté à la dissolution anticipée d’un ETF (Exchange Trade Fund), fonds qui cherche à répliquer le plus fidèlement possible l’évolution à la hausse comme à la baisse, d’un indice boursier. Ce cas permet de rappeler que la société de gestion peut à tout moment décider de la dissolution anticipée d’un ETF, fonds particulièrement prisé des investisseurs.

https://www.amf-france.org/fr/le-mediateur/journal-de-bord-du-mediateur/dossiers-du-mois/dissolution-anticipee-dun-etf-les-droits-et-obligations-du-distributeur-et-de-la-societe

I – Les faits

Un investisseur détenant 300 parts d’un ETF reçoit un courrier l’informant de sa dissolution anticipée, la valeur liquidative des 300 parts fait apparaître un différentiel négatif d’un peu plus de 900 €.

Outre la demande de remboursement de ce différentiel auprès de la société de gestion et du distributeur du fonds, l’investisseur aurait souhaité, en lieu et place de cette dissolution, un transfert des parts vers un autre ETF. Demandes rejetées toutes deux par la société de gestion et le distributeur, qui s’appuient à la fois sur le prospectus ainsi que sur le règlement du fonds. De plus, le distributeur indiquait ne pas proposer ce type d’investissements.

Pour l’investisseur, le prospectus et le règlement du fonds ne lui auraient pas été communiqués et l’espace bourse du distributeur mettrait en avant ce type d’investissements.

L’investisseur sollicite donc l’intervention du médiateur de l’AMF afin de recouvrer le différentiel entre son investissement initial et la valeur liquidative de ses parts fixée par la dissolution anticipée.

Le Médiateur de l’AMF a émis une proposition défavorable à la demande de l’investisseur pour les raisons qui seront ci-après développées.

II – Les raisons du rejet de l’indemnisation

Il est tout d’abord relevé que l’investisseur était considéré comme un investisseur averti au sens de la classification bien connue issue de la règlementation sur les Marchés d’Instruments Financiers (MIF).

Le Médiateur relève par ailleurs, que la souscription s’est faite de manière autonome à partir de l’espace bourse de l’investisseur et qu’à cette occasion l’investisseur avait indiqué avoir pris connaissance de la documentation relative au fonds. Cette documentation indiquait notamment le risque de perte en capital et la possibilité de dissolution anticipée.

Concernant le souhait de transférer ses parts vers un autre ETF similaire, cette décision appartient uniquement à la société de gestion, qui peut notamment proposer cette possibilité dans son avis aux porteurs de parts, prérequis nécessaire avant certaines modifications sur un fonds. La dissolution anticipée d’un ETF ne requiert néanmoins pas l’approbation préalable des porteurs de parts.

En tout état de cause, l’avis aux porteurs ne proposait pas de transfert mais un rachat sur le marché primaire ou secondaire, sans action dans le délai imparti de la part de l’investisseur la société de gestion a donc procédé au rachat automatique des parts à la valeur liquidative.

De plus, la société de gestion avait bien demandé et obtenu un agrément de la part de l’AMF afin d’autoriser la dissolution de l’ETF.

La société de gestion et le distributeur, bien que ce dernier n’ait pas la main sur la décision de dissolution du fonds qu’il commercialise, n’ont pas commis de manquement susceptible de fonder un remboursement du différentiel entre la valeur d’investissement et la valeur liquidative à l’instant de la dissolution.

III – Pour aller plus loin

Dans le dossier présenté par le Médiateur, il est fait mention d’une documentation dont l’investisseur aurait eu connaissance. Il semble que cette documentation juridique fait référence aux KID (Key Information Document/Document clef pour l’investisseur), anciennement KIID (Key Investor Information Document), issus de la règlementation PRIIPS. Le prospectus constitue également un autre document que la société de gestion doit fournir à l’investisseur (sauf dispense accordée par l’AMF ou d’offre destinée au public d’un montant inférieur à 8 millions d’euros) lorsqu’elle souhaite émettre des titres financiers (actions ou obligations) au grand public et qui reprend en détail les caractéristiques du fonds (structure, acteurs du fonds, historique, risque, nature des valeurs mobilières…).

Le rédacteur du présent article pense que lorsque le Médiateur faisait mention de l’avis aux porteurs ou de l’information aux porteurs, il visait en réalité la « Lettre Aux Porteurs » (LAP), information que la société de gestion se doit de donner aux porteurs de parts d’un fonds sur lequel va intervenir certaines mutations, notamment la dissolution.

L’AMF fournit d’ailleurs des trames-types pour la rédaction de ces LAP.[1] Cette Lettre Aux Porteurs ne doit pas être confondue avec la simple Information Aux Porteurs (IAP), information par tout moyen, moins formelle et qui encadre les informations que la société de gestion peut donner aux porteurs en cas de modification moins impactantes pour le fonds (période de détention conseillée par exemple). Cette LAP doit également être communiquée à l’AMF avant d’être portée à la connaissance des investisseurs porteurs de parts.

Au cas d’espèce, l’exposé du Médiateur laisse penser que la LAP a uniquement été publiée sur le site Internet de la société de gestion, ce qui nous semble quelque peu léger concernant le mode de transmission de celle-ci, l’AMF préconisant la transmission de la LAP par l’envoi d’une lettre ou tout autre support durable et adapté au contexte dans lequel sont conduites les affaires et l’investisseur et la société de gestion.

Enfin, certains types de modifications sur un fonds nécessitent un agrément AMF, c’est notamment le cas de la dissolution d’un fonds (mais également d’un changement de société de gestion ou d’objectifs et de politique d’investissements par exemple).


[1] https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/publications/guides/guides-professionnels/guide-de-redaction-des-lettres-aux-porteurs-des-opc-agrees

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