SOURCE : Cass.com., 14 mai 2013, n°12-18103, Publié au Bulletin
Faits et procédure
le 27 avril 1998, Mme Y…fait assigner en divorce son conjoint, M. Z… ; le 11 mai suivant, elle notifie à trois sociétés civiles immobilières son intention d’être, en application de l’article 1832-2 du code civil, reconnue en qualité d’associée pour la moitié des parts souscrites ou acquises par son époux par emploi de biens communs. Le divorce est prononcé le 17 octobre 2001 ; que le 23 juin 2009, Mme Y… fait assigner en référé les SCI aux fins de les voir condamner sur le fondement de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile et de l’article 48 du décret du 3 juillet 1978, à lui communiquer des documents sociaux.
L’épouse obtiendra satisfaction ; les SCI soutiendront alors que la qualité d’associé ne peut être revendiquée que jusqu’à la dissolution de la communauté et qu’en déclarant que la circonstance que le divorce eût pris effet le 27 avril 1998, dans les rapports entre les époux en ce qui concernait leurs biens, n’était d’aucune incidence sur la qualité d’associée revendiquée par l’ancienne épouse, quand l’assignation en divorce remontait à ladite date, tandis que l’intéressée avait revendiqué la qualité d’associée le 11 mai suivant, ce dont il résultait que cette manifestation de volonté était tardive, la cour d’appel a violé les articles 262-1 (ancien), 1832-2 et 1855 du code civil ainsi que l’article 48 du décret du 3 juillet 1978.
Selon la Cour de cassation, en application de l’article 1832-2 du code civil, l’époux d’un associé peut notifier à la société son intention d’être personnellement associé pour la moitié des parts souscrites ou acquises par son conjoint, aussi longtemps qu’un jugement de divorce passé en force de chose jugée n’est pas intervenu ; la cour d’appel pouvait donc retenir que la circonstance que le divorce entre les époux Z…-Y… a pris effet, dans leurs rapports en ce qui concerne leurs biens, le 27 avril 1998, n’avait aucune incidence sur la qualité d’associée de Mme Y… et sur les droits qui y sont attachés.
Analyse
Jusqu’à quand un époux peut-il revendiquer la qualité d’associé en application de l’article 1832-2 du Code civil à la suite de l’apport de biens communs effectué par son conjoint ? L’article 1832-2 précise que les dispositions qu’il contient s’appliquent jusqu’à la dissolution de la communauté. Mais en cas de divorce, on sait que selon l’article 262-1, le divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, soit lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement, soit lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l’ordonnance de non-conciliation. De sorte que dans un divorce contentieux, le conjoint de l’apporteur se trouverait privé du droit de revendiquer après l’ONC. Reste que cette rétroactivité de l’article 262-1 ne vaut, précise le texte que « dans les rapports entre époux et en ce qui concerne leurs biens » ; or si l’on peut admettre que la qualité d’associé du conjoint de l’apporteur concerne leurs biens puisque le conjoint aura en propre le titre d’associé pour la moitié des parts, la question ne concerne pas seulement les rapports entre époux mais aussi les rapports avec la société et avec d’éventuels autres associés. Il faut donc exclure le jeu de l’article 262-1 et considérer que la revendication est possible tant que le conjoint reste marié, c’est-à-dire tant que le divorce n’est pas devenu définitif.
Frédéric VAUVILLE
Professeur agrégé des Universités
Conseiller scientifique du Cridon Nord-Est
VIVALDI-AVOCATS