Recours d’un tiers contre l’assureur

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

Source : Cass.3ème Civ. 31 mars 2022, n°20-17.662

C’est ce que précise la Seconde Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision, inédite, comme suit :

« …

Faits et procédure

 

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 mai 2020), M. [Z] a confié le déménagement de ses meubles à la société Les Déménageurs de France, assurée par un contrat d’assurance « responsabilité du transporteur – marchandises transportées – responsabilité civile de l’entreprise », ayant pris effet le 30 mai 2012, auprès de la société Macifilia, aux droits de laquelle vient la société Macif (l’assureur).

 

2. Sur demande de M. [Z], la société Les Déménageurs de France a conclu, le 15 février 2013, par l’intermédiaire d’un courtier en assurances, la société Cabinet [D], une garantie « dépositaire » afin que soient garantis les dommages que pourraient subir le mobilier et les oeuvres d’art de M. [Z] pendant le temps de leur dépôt en garde-meubles, dans l’attente de l’achèvement des travaux de sa nouvelle résidence.

 

3. Selon l’attestation d’assurance délivrée le 15 février 2013 par le courtier, ce premier avenant, valable du 15 février au 1er mai 2013, renouvelable par tacite reconduction, prévoyait : « – une responsabilité contractuelle déménagements dont particuliers : 25 000 euros maximum par événement, 1 500 euros maximum par objet non listé en déménagement, et 300 euros de franchise ; – une responsabilité contractuelle voiturier : un maximum de 25 000 euros par événement, et une franchise de 300 euros, comprenant une « Garantie RC Dépositaire pour les meubles entreposés à hauteur de 100 000 euros maximum par sinistre (y compris pour les meubles actuellement entreposés appartenant à M. [Z]) ».

 

4. Un second avenant, signé le 12 juin 2013, avec effet rétroactif au 1er mai 2013, prévoyait dans ses conditions particulières une « garantie optionnelle : responsabilité civile d’entredépositaire de marchandises ».

 

5. Dans la nuit du 16 au 17 mai 2013, une partie des biens de M. [Z] a été volée dans le garde-meubles et les effets non dérobés et entreposés, à la suite de ce sinistre, dans un autre garde-meubles par la société Les Déménageurs de France, ont subi une inondation le 24 mai 2013.

 

6. M. [Z] a assigné en indemnisation de ses préjudices l’assureur, le courtier et M. [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Déménageurs de France.

Examen des moyens

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

 

Enoncé du moyen

 

7. M. [Z] fait grief à l’arrêt de le débouter de toutes ses demandes contre l’assureur, alors « que l’assureur est contractuellement tenu d’informer et de conseiller l’assuré sur l’adéquation de la garantie souscrite à la situation personnelle de l’assuré ; que le manquement de l’assureur à cette obligation d’information dont il est tenu à l’égard de son cocontractant constitue une faute délictuelle à l’égard des tiers ; qu’en l’espèce, M. [Z] soutenait expressément que l’assureur avait manqué à son obligation d’information et de conseil envers la société Les Déménageurs de France puisqu’elle avait omis de lui conseiller la souscription d’une garantie suffisamment étendue, notamment au regard des clauses d’exclusion de la police et du plafond de la garantie ; que M. [Z] soulignait que ce manquement était constitutif d’une faute délictuelle à son égard ; qu’en le déboutant de ses demandes contre l’assureur sans aucunement rechercher si ce dernier avait manqué à son obligation contractuelle d’information à l’égard de l’assuré et, ce faisant commis une faute délictuelle à l’égard du tiers victime du dommage, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu l’article 1382, devenu 1240, du code civil :

 

8. Suivant ce texte, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

 

9. Le manquement par un assureur à une obligation contractuelle envers son assuré, responsable du dommage, est de nature à constituer un fait illicite à l’égard d’un tiers au contrat d’assurance lorsqu’il lui cause un dommage (Ass. plén., 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963).

 

10. Pour rejeter les demandes de M. [Z] contre l’assureur, après avoir relevé que l’article L. 124-3 du code des assurances, qui ouvre au tiers lésé un droit d’action à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, permet au tiers au contrat d’assurance d’agir directement en responsabilité contre cet assureur pour les fautes reprochées audit assuré, l’arrêt retient que le contrat d’assurance souscrit par l’assurée, d’abord à compter du 30 mai 2012, puis pour la période du 15 février au 1er mai 2013 en vertu d’un premier avenant, et enfin à compter dudit 1er mai en vertu d’un second avenant, couvre les activités de déménagement et de dépôt/entreposage de meubles mais qu’aucun risque tel qu’un dégât des eaux et/ou un vol, avec ou sans effraction, n’est stipulé par ces trois documents, ce qui implique que le sinistre imputable à ces deux motifs, survenu en mai 2013, ne caractérise pas une condition de la garantie due par l’assureur.

 

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en proposant à l’assurée une assurance ne garantissant pas, au titre de la « responsabilité civile d’entredépositaire de marchandises », les dommages et pertes résultant de vols et d’inondations, l’assureur n’avait pas commis un manquement contractuel à son obligation d’information et de conseil, constitutif d’une faute dont M. [Z], tiers au contrat, pouvait se prévaloir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

(…)

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. [Z] de l’ensemble de ses demandes contre la société d’assurances mutuelles Macif, l’arrêt rendu le 14 mai 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;… »

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