Chèque sans provision : le tireur doit demander expressément à la banque de provisionner les versements qu’il effectue pour payer le chèque litigieux

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 5 févr. 2020, n° 18-18.261, P + B

 

I – Les textes

 

L’article L. 131-73 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-1808 du 22 décembre 2016, dispose notamment qu’en cas de refus de paiement d’un chèque pour défaut de provision « [le banquier tiré] doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ».

 

L’article L.131-74 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-1808 du 22 décembre 2016 prévoit que « tout versement effectué par le tireur sur le compte duquel a été émis le chèque impayé est affecté en priorité à la constitution d’une provision pour paiement intégral de celui-ci ».

 

II – L’espèce

 

Un chèque est émis au profit d’une société. Présenté à trois reprises au paiement, il est à chaque fois rejeté par la banque, pour défaut de provision. Reprochant ce rejet à la banque, qui aurait dû payer le montant de ce chèque, la société bénéficiaire l’assigne en responsabilité civile délictuelle, sur le fondement de l’ancien article 1382 du Code civil.

 

La cour d’appel condamne la banque à payer le montant du chèque litigieux, au motif qu’au regard du montant des versements effectués par le tireur (mis depuis en liquidation judiciaire) sur son compte depuis la première présentation du chèque, elle aurait dû affecter en priorité ces versements à la constitution d’une provision pour paiement intégral dudit chèque précédemment présenté et rejeté à deux reprises.

 

Elle considère que la banque a commis une faute préjudiciable donnant lieu à réparation à hauteur du montant du chèque irrégulièrement rejeté.

 

III – Le pourvoi en cassation

 

La banque saisit la Haute juridiction de la question, laquelle casse l’arrêt critiqué. Elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir constaté que l’affectation des versements en priorité à la constitution d’une provision avait été demandée à la banque par le tireur, de sorte qu’aucune faute ne pouvait être imputée à la banque dans ces conditions. L’arrêt est publié au Bulletin.

 

La non-imputation de la responsabilité au banquier dans ce cas de figure retient l’attention. La Cour de cassation juge que la banque n’est pas tenue d’affecter en priorité les versements effectués par le tireur sur son compte à la constitution d’une provision pour paiement du chèque, dès lors que l’affectation de ces versements en priorité à la constitution de cette provision n’a pas fait l’objet préalablement d’une demande auprès de la banque de la part du tireur. Cette ventilation suppose en effet que le tireur a opté pour cette modalité de régularisation de l’incident en demandant à cet effet que la provision soit bloquée.

 

Dit plus simplement, la demande du tireur quant à la provision des versements qu’il effectue, en vue d’honorer le chèque qu’il a émis, doit être expresse. A défaut, le compte continue de fonctionner « normalement ».

 

C’est le sens même de l’article R. 131-22 du Code monétaire et financier précisant que « Dans les cas autres que ceux prévus par les articles R. 131-20, R. 131-21 et R. 131-21-1, la régularisation de l’incident est acquise lorsqu’est constituée, à la demande du tireur, une provision bloquée affectée au paiement effectif du chèque. (…) ».

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