Source : Cass.Com., 21 avril 2022, n° 20-10809, n°287 FS-B
A la suite d’une cession de l’intégralité des parts sociales d’une société dont le sort ira vers une procédure de redressement puis une liquidation judiciaire, le cédant soutient l’existence d’un dol et réclame en justice l’annulation de la cession et la remise des parties en l’état au jour de la cession ainsi que des dommages-intérêts.
Deux positions différentes seront prises par la Cour d’appel puis par la Cour de cassation.
Tout d’abord, la Cour d’appel prononcera la nullité et la restitution des parts en nature. Au regard de la liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société, le cédant sollicitera la restitution des parts en valeur, valeur au jour de la cession.
Cet avis ne sera pas celui de la Cour de cassation qui précisera dans son attendu deux points. Le premier sur les dommages-intérêts et le second sur la possibilité de restitution.
- Les dommages-intérêts.
La Cour précise :
Réponse de la Cour
« 9. M. [V] ayant demandé, non la restitution en valeur des parts sociales de la société Entreprise [V], mais des dommages-intérêts aux motifs qu’il avait été privé du prix de cession de ces parts, qu’il avait été évincé de son poste de gérant de la société Entreprise [V] et privé de son poste de responsable régional, contractuellement dû pendant une certaine durée, et que la société Entreprise [V] avait été pillée de ses actifs au profit de la société 2EI sans bourse délier, la cour d’appel, qui a retenu que la privation du prix de cession des parts n’était que la conséquence de l’annulation de la cession du fait des dissimulations auxquelles M. [V] s’était livré et ne pouvait donner lieu à indemnisation, que M. [V] ne démontrait pas que la société 2EI avait pillé la société Entreprise [V] de ses actifs ou avait tiré un quelconque bénéfice durant la période séparant la cession des parts de son annulation, et qu’il ne pouvait se prévaloir d’un engagement pris dans le cadre d’une convention annulée en raison de sa déloyauté, a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées. »
Ainsi, l’octroi de dommages-intérêts ne pourra se faire qu’à la démonstration d’une faute de gestion et plus précisément d’un bénéfice particulier obtenu dans la période séparant la cession de l’annulation de la cession.
- La restitution des titres (et des fruits).
La Cour ajoute :
« Réponse de la Cour
- Il résulte de l’article 1844-7, 7°, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, ainsi que des articles 1844-8, alinéa 3, du même code et L. 237-2, alinéa 2, du code de commerce, que le jugement de liquidation judiciaire d’une société, s’il entraîne sa dissolution de plein droit, est sans effet sur sa personnalité morale, qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de la procédure, de sorte que, tant que cette publication n’est pas intervenue, les parts sociales composant son capital ont toujours une existence juridique et peuvent faire l’objet d’une restitution en nature.
- Le moyen, qui soutient que la restitution en nature n’est plus possible en raison de la seule liquidation judiciaire de la société Entreprise [V], sans prétendre que la procédure avait été clôturée par un jugement publié, n’est pas fondé. »
On retiendra, et cela est d’ailleurs bien acquis, que la personnalité morale survit à la liquidation judiciaire jusqu’à la publication de sa clôture.
Il s’en déduit que les juges font une application des dispositions du Code civil en ses articles 1352 et suivants. Les parts sociales existant toujours, leur restitution en nature est possible sous entendant que la restitution en valeur doit rester exceptionnelle.
Cette décision suit la jurisprudence constante émise par la Cour en matière de restitution des fruits. En effet, il est constant au visa des articles 549 et 550 du Code civil que la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat de sorte qu’ils peuvent être restitués. Le juge ne peut la prononcer d’office.[1]
Or, on ajoutera que ces demandes doivent à tout le moins être formulées dans l’attendu et que le juge ne peut la prononcer d’office.
Le cédant pourra toujours tenter d’obtenir l’indemnisation des dégradations et détériorations ayant diminué la valeur des parts sociales, mais encore faut-il qu’il soit démontré l’imputabilité de la baisse de valeur au cessionnaire.
[1] Cass.Civ.3., 11 février 2021, n°20-11037, publié au bulletin