Pratiques anticoncurrentielles : portée et limite du secret des correspondances entre un avocat et son client.

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

Source : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 avril 2022, 20-87.248

Suite à une ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention (JLD) visant la mise en œuvre d’opérations de saisies au sein de locaux appartenant à plusieurs sociétés et ce, à la demande de l’Autorité de la concurrence, plusieurs procès-verbaux avaient été établis.

Contestée, ladite ordonnance avait été confirmée par le Premier Présidant de la Cour d’appel de Paris.

C’est dans ces conditions que la chambre criminelle de la Cour de cassation était amenée à notamment se prononcer sur le respect du principe de confidentialité des correspondances entre l’avocat et son client, des documents de cette nature ayant été saisis.

Les termes de l’ordonnance étaient en effet critiqués en ce qu’elle n’avait pas prononcé la restitution de correspondances entre les avocats et leurs clients, les requérants estimant ces documents insaisissable.

La Cour d’appel avait estimé que le secret professionnel avocat-client n’était pas applicable et que les correspondances en question ne relevaient pas d’un échange entre avocat et client concernant sa défense dans l’enquête.

Elle observait qu’en matière d’atteinte à l’ordre public économique, les correspondances entre un avocat et son client n’étaient protégées par le secret professionnel qu’à la condition d’avoir été émises ou adressées par un avocat indépendant de l’entreprise et pour l’exercice des droits de la défense.

Elle poursuivait son raisonnement en estimant que la protection du secret des correspondances entre un avocat et son client, ainsi que celle du droit d’accès au juge, ne pouvaient être effectives qu’à la condition que l’autorité poursuivante s’interdise, par des moyens adéquats et contrôlables, de prendre connaissance de telles correspondances avant que l’entreprise ayant fait l’objet d’une visite domiciliaire ait été mise en mesure d’en contester la saisie et de faire trancher cette contestation par une juridiction.

En l’espèce, seule une partie des pièces saisies avait été placée sous scellés, si bien que les services de l’Autorité de la concurrence pouvaient consulter le reste des documents litigieux.

Dans son arrêt du 20 avril 2022, la Cour de cassation rappelle les contours du secret professionnel en retenant que « c’est à tort que le premier président retient que seuls sont insaisissables les documents qui relèvent de l’exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence, alors que c’est dans toutes les procédures où un avocat assure la défense de son client qu’est protégé le secret des correspondances échangées entre eux et qui y sont liées ».

Pour autant, la chambre criminelle ne censure pas l’ordonnance aux motifs :

  qu’aucune atteinte aux droits de la défense en dehors de la seule procédure concernée n’est évoquée par les sociétés requérantes et que la confection des scellés provisoires est une faculté laissée à l’appréciation des enquêteurs ;

  que la présence, parmi les documents saisis, de pièces couvertes par le secret ne saurait avoir pour effet d’invalider la saisie de tous les autres documents.

En conséquence, le moyen de cassation est rejeté.

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