Sources : Ord. n° 2016-56, 29 janv. 2016 JO 30 janv. 2016, texte n° 19

 

Il s’agissait pour le gouvernement de répondre aux préoccupations des banquiers inquiets des conséquences qu’engendrait la position arrêtée par la Cour de cassation en la matière[1].

 

Cette réforme s’articule autour de deux axes :

 

– d’abord une clarification du régime applicable au gage des stocks ;

 

– et ensuite, un rapprochement avec les dispositions du Code civil.

 

L’ordonnance du 29 janvier 2016 :

 

          réécrit le chapitre VII du titre II du livre V du code de commerce relatif au gage des stocks ( C. com., art. L. 527-1 à L. 527-9 ).

 

          entre en vigueur le 1er avril 2016 ,

 

          ne s’applique qu’aux contrats conclus à partir de cette date (ord., art. 3).

 

I-Définition

 

La clarification du régime applicable au gage des stocks concerne en premier lieu sa définition. Le nouvel article L. 527-1, alinéa 1, nouveau du Code de commerce reprend à la fois la définition générale du gage posée à l’ article 2333 du Code civil , à savoir une convention par laquelle le constituant accorde à son créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers, et les conditions posées au premier alinéa actuel de l’ article L. 527-1, alinéa 1, du Code de commerce . Ainsi :

 

– le débiteur est une personne morale de droit privé ou une personne physique, ayant obtenu un crédit pour l’exercice de son activité professionnelle ;

 

– le créancier est un établissement de crédit ou une société de financement ;

 

– le gage porte sur les stocks du débiteur.

 

II-Clarification et rapprochement

 

Dans un souci de clarification et comme c’est actuellement le cas en matière de gage de meubles corporels régi par le Code civil, est expressément énoncée la possibilité de constituer un gage avec ou sans dépossession ( C. com., art. L. 527-1 , al. 2).

 

Applicabilité des dispositions du Code civil – Le gage des stocks relève des articles 2286 (alinéas 1 et 4), 2333, 2335, 2337 (3e alinéa), 2339 à 2341, 2343, 2344 (1er alinéa) et 2345 à 2350 du code civil (ainsi que des dispositions du chapitre VII du titre II du livre V du code de commerce) ( C. com., art. L. 527-1 , al. 3).

 

Option – Il est permis aux parties de choisir entre le régime de droit commun du Code civil et le régime spécial du Code de commerce ( C. com., art. L. 527-1 , al. 4). Cette possibilité rompt ainsi avec le droit positif, tel qu’interprété par la Cour de cassation dans une jurisprudence récente (Com., 19 février 2013, pourvoi n° 11-21.763, Bull. 2013, IV, n° 29 ; JurisData n° 2013-002730), ce qui répond de la sorte au souhait de souplesse voulu par les acteurs économiques.

 

Formalisme – Le gage des stocks doit faire l’objet d’un écrit, qui est une condition de validité du gage sanctionnée par la nullité. Certaines mentions doivent figurer à l’acte ( C. com., art. L. 527-2 ). A ce titre, sont retenues les mentions essentielles qui permettent de déterminer la créance garantie, l’objet du gage, la durée de l’engagement et, le cas échéant, en cas de gage avec dépossession, l’identité du tiers qui a pu être constitué gardien des biens gagés.

 

Le formalisme prévu en matière de gage des stocks est ainsi allégé, ne laissant subsister par rapport au droit commun du gage de meubles corporels que des différences minimes qui se justifient par les circonstances dans lesquelles le gage de stocks est généralement consenti.

 

– Publicité – La publicité du gage, par inscription sur un registre public, est désormais prévue par l’ article L. 527-4 du Code de commerce à peine d’inopposabilité aux tiers et non plus de nullité du gage. En cas de dépossession, le gage des stocks est également opposable aux tiers dès lors que ces derniers sont informés de la dépossession du bien entre les mains du créancier ou d’un tiers convenu. Le second alinéa de l’actuel article L. 527-4 du Code de commerce est supprimé, l’ article 2340 du Code civil , auquel l’article L. 527-1 renvoie expressément, précisant d’ores et déjà le rang des créanciers gagistes entre eux.

 

.- Réécriture à droit constant – Les actuels articles L. 527-5 et L. 527-8 du Code de commerce sont réécrits et figurent désormais à l’article L. 527-5 nouveau du même code. Cette réécriture, plus lisible est faite à droit constant. Sont ainsi rappelés :

 

– le caractère indivisible du gage des stocks, les parties pouvant contractuellement y déroger en prévoyant que l’étendue du gage diminue à proportion du paiement de la créance,

 

– et que les biens acquis en remplacement des biens gagés et aliénés sont de plein droit compris dans l’assiette du gage, le créancier pouvant, à tout moment et à ses frais, faire constater l’état des stocks engagés.

 

Ensuite, l’article L. 527-7 nouveau reprend sans modification les termes de l’actuel article L. 527-9, disposant qu’en cas de remboursement anticipé de la créance, le débiteur n’est pas tenu des intérêts restant à courir et qu’en cas de refus de la part du créancier des offres du débiteur, ce dernier peut consigner la somme offerte afin de se libérer.

 

.- Conservation des stocks et assurance – L’article L. 527-6 nouveau fusionne les actuels articles L. 527-6 et L. 527-7 en améliorant leur contenu. Ainsi, est rappelée l’obligation de conservation des stocks pesant sur le débiteur tout en précisant qu’elle n’existe qu’en cas de gage sans dépossession ( C. com., art. L. 527-6 , al. 1er).

 

Ensuite, et de façon à laisser une plus grande place à la liberté contractuelle, est supprimée, à l’instar du droit commun du gage, l’obligation d’assurance contre les risques d’incendie et de destruction, les parties pouvant néanmoins prévoir contractuellement une telle obligation.

 

.- « Clause d’arrosage » – Le mécanisme de la « clause d’arrosage » permet au créancier, en cas de diminution de la valeur des stocks, d’obtenir le rétablissement de la garantie ou le paiement de sa créance. Ce régime est clarifié et assoupli afin de trouver un meilleur équilibre entre :

 

– la protection du stock, élément d’actif indispensable à la vie de l’entreprise,

 

– et l’intérêt du créancier qui a consenti un crédit nécessaire à la poursuite de l’activité professionnelle du débiteur.

 

Alors qu’un taux unique de 20 % est actuellement prévu et que la mise en œuvre de la clause d’arrosage implique le respect de deux étapes successives (mise en demeure de reconstituer la garantie ou de payer partiellement la créance, et à défaut, paiement total de la créance), le nouveau système propose deux étapes mais indépendantes l’une de l’autre et déclenchées à deux taux différents (10 % et 20 %).

 

Il est par ailleurs précisé que les parties peuvent conventionnellement prévoir des taux supérieurs. Il convient en effet d’éviter que les créanciers puissent imposer des seuils de variation trop faibles aux débiteurs pour la reconstitution du stock ou le remboursement de la créance (ces derniers se trouveraient alors empêchés de poursuivre leur activité) ( C. com., art. L. 527-6 , al. 2 à 5).

 

III-Suppression de la prohibition du pacte commissoire

 

Le rapprochement du régime applicable au gage des stocks se manifeste enfin par la suppression de la prohibition du pacte commissoire.

 

Ainsi, l’ article L. 527-8 du Code de commerce renvoie à l’ article 2348 du Code civil , qui permet aux parties de prévoir que le créancier deviendra propriétaire des stocks en cas de non-paiement de la dette exigible par le débiteur. Pour la réalisation du gage, le renvoi aux articles 2346 (vente judiciaire du bien gagé) et 2347 du Code civil (attribution judiciaire du bien gagé), qui figure à l’actuel article L. 527-10, est par ailleurs repris à l’ article L. 527-8 du Code de commerce.

 

IV- Décret d’application

 

L’ article L. 527-9 nouveau du Code de commerce reprend sans modification les termes de l’ article L. 527-11 du Code de commerce , les conditions d’application devant donc être fixées par décret en Conseil d’Etat.

 

L’équipe Vivaldi-chronos


[1] cf article vivaldi chronos du 2 février 2016 : Gage sur stock : confirmation de l’exclusivité de son régime… et du 26 septembre 2012 Gage et divisibilité de la dette

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