Quelques rappels sur le cautionnement donné par une personne morale

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

I – Les conditions.

 

Plusieurs conditions doivent être réunies :

 

– Existence de la personne morale

 

– Conformité à l’objet social

 

– Pouvoir du signataire[1].

 

Si certaines de ces conditions paraissent évidentes, il y a lieu de distinguer ensuite le principe de spécialité des règles protectrices afférentes à un type de société.

 

II – Principe de spécialité, conformité à l’objet social.

 

La capacité d’une personne morale est limitée par le principe de spécialité qui consiste à dire que si le cautionnement consenti par le dirigeant n’entre ni directement ni indirectement dans l’objet social, alors il est nul en tant qu’acte dépassant les pouvoirs du dirigeant.[2]

 

Il est cependant possible de modifier au préalable les statuts ou encore d’avoir une décision unanime des associés pour encrer la validité du cautionnement s’il n’entrait pas dans l’objet social.[3]

 

On observe une véritable souplesse dans l’appréciation et plus précisément dans le cadre de sociétés de même groupe, Holding filiales…

 

Deux mises en garde :

 

Attention toutefois à la confusion des patrimoines en cas de procédure collective.

 

Divergence d’appréciation entre les chambres sur la seule conformité à l’objet social et le besoin de répondre également à l’intérêt social.

 

II – 1. Cas particuliers.

 

L’argumentation sur le dépassement de l’objet social est inopérante sur les SARL et les sociétés par actions, car elles sont engagées dans les rapports avec les tiers par les actes du gérant ou du conseil d’administration, président ou directoire même lorsque cela ne relève pas de l’objet social à moins que le tiers savait que l’acte dépassait l’objet social.[4]

 

II – 11. SARL

 

Article L223-21 du Code de commerce : « A peine de nullité du contrat, il est interdit aux gérants ou associés autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers. Cette interdiction s’applique aux représentants légaux des personnes morales associées.

 

L’interdiction s’applique également aux conjoints, ascendants et descendants des personnes visées à l’alinéa précédent ainsi qu’à toute personne interposée.

 

Toutefois, si la société exploite un établissement financier, cette interdiction ne s’applique pas aux opérations courantes de ce commerce conclues à des conditions normales. »

 

La sanction est la nullité, nullité absolue invocable par les associés, du cautionnement et peut être constitutif d’un abus du crédit de la société.

 

Dernier point, les SARL, contrairement aux sociétés par actions, peuvent garantir les dettes de tiers. [5]

 

II – 12. Sociétés par actions

 

Article L225-43 du Code de commerce : « A peine de nullité du contrat, il est interdit aux administrateurs autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers.

 

Toutefois, si la société exploite un établissement bancaire ou financier, cette interdiction ne s’applique pas aux opérations courantes de ce commerce conclues à des conditions normales.

 

La même interdiction s’applique au directeur général, aux directeurs généraux délégués et aux représentants permanents des personnes morales administrateurs. Elle s’applique également aux conjoints, ascendants et descendants des personnes visées au présent article ainsi qu’à toute personne interposée. »

 

Article L225-91 du Code de commerce : « A peine de nullité du contrat, il est interdit aux membres du directoire et aux membres du conseil de surveillance autres que les personnes morales, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers.

 

L’interdiction s’applique aux représentants permanents des personnes morales membres du conseil de surveillance. Elle s’applique également aux conjoints, ascendants et descendants des personnes visées au présent article, ainsi qu’à toute personne interposée.

 

Toutefois, si la société exploite un établissement bancaire ou financier, l’interdiction ne s’applique pas aux opérations courantes de ce commerce conclues à des conditions normales. »

 

La sanction est identique que celle évoquée pour les SARL mais l’interdiction ne touche que les dirigeants, non les associés.[6]

 

La SA ne peut consentir une sureté en vue de la souscription ou de l’achat de ses propres actions par un tiers (L225-116 Code de commerce).[7]

 

Egalement, l’article L225-38 Code de commerce précise que : « Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général, l’un de ses directeurs généraux délégués, l’un de ses administrateurs, l’un de ses actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s’il s’agit d’une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l’article L. 233-3 , doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.

 

Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées à l’alinéa précédent est indirectement intéressée.

 

Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués ou l’un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.

 

L’autorisation préalable du conseil d’administration est motivée en justifiant de l’intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées. »

 

La sanction est prévue à l’article L225-42, la nullité de la convention.

 

Si le créancier est un tiers, l’article précité ne s’appliquera pas pourvu que la société caution et la société créancière n’aient pas de dirigeants communs.[8]

 

II – 121. Autorisation par le conseil d’administration.

 

Les articles L225-35 et 225-68 du Code de commerce soumettent les cautions, avals et garanties consenties pour le compte d’une société par actions par ses dirigeants à une autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance à moins que celle-ci ait pour objet l’exploitation d’un établissement bancaire ou financier.

 

L’opération doit être donnée pour chaque opération, le dirigeant signataire doit respecter les limites de cette autorisation (cautionnement simple et non solidaire, cautionnement et non garantie autonome…).

 

L’autorisation donnée pour la garantie d’une opération ne permet pas d’en garantir une autre, même une autre opération avec la même finalité.[9]

 

L’autorisation peut être accordée pour une durée d’un an, n’excédant pas un certain montant ou sous la forme d’un montant global. Une autorisation générale et illimitée est sans valeur. Les tiers de bonne foi sont cependant protégés.[10]

 

Le créancier doit vérifier la réalité de l’autorisation et ne peut se contenter d’une attestation du dirigeant ou de l’existence de l’autorisation dans l’acte. Il y a donc nécessité d’obtenir un extrait du registre des délibérations du conseil d’administration ou du conseil de surveillance.[11]

 

Le créancier doit surveiller que, si le souscripteur du cautionnement n’est pas le dirigeant, qu’il a reçu délégation du pouvoir de l’engager. Tel n’est pas le cas si l’autorisation a été donnée au président alors que la garantie est souscrite par un préposé sans délégation de pouvoir.[12]

 

La théorie de l’apparence ne peut être invoquée par les tiers pour suppléer l’absence d’autorisation.

 

L’irrégularité de l’autorisation existante ne peut être opposée au créancier garanti de bonne foi.[13]

 

II – 122. Quelles sociétés ?

 

Toutes les sociétés par actions, y compris pour les groupes de sociétés.

 

Exception, la SAS (cf article L227-1 du code de commerce), et les établissements de crédit.

 

II – 123. Quelles garanties ?

 

Cautions sous toutes ses variétés, avals et garanties (y compris suretés réelles).

 

Autorisation préalable également pour l’engagement de substituer la garantie de la SA à des garanties préexistantes.

 

Le terme garantie doit être entendu que les suretés consenties pour les dettes de tiers et non celles que la société constitue pour garantir ses propres dettes.

 

Pas d’autorisation non plus pour une garantie de passif souscrite à l’occasion d’une cession de droits sociaux.

 

II – 124. Sanctions.

 

Pour la Cour, l’acte irrégulier n’engage pas la société ou lui est inopposable.

 

Impossibilité de ratifier l’acte irrégulier.[14]

 

Le dirigeant ne saurait être personnellement tenu comme garant sans l’avoir expressément voulu.

 

Le dirigeant n’est cependant pas personnellement responsable, quid de la responsabilité d’un professionnel ?

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi Avocats


[1] Cass.Civ1, 18 février 2003, n°2003-117790

[2] Cass.civ3, 25 mars 1998, n°1998-001357 et Cass.civ 1, 8 novembre 2007, 2007-241233

[3] Cass.com, 18 mars 2032003-018281

[4] CA Lyon 29 mars 2007 n°2007-350360 et Cass.Com, 18 juin 1980 et CA Saint Denis 30 juillet 2010 n° 2010-016874

[5] Cass.com, 26 avril 2006 n° 2006-033262

[6] Ch Mixte 10 juillet 1981

[7] Cass.com 15 janvier 2002 n° 2002-012711

[8] CA Paris 4 mai 1993, n°1993-021752

[9] Cass.com 22 mai 2001 n° 2001-009674

[10] CA Paris 15 février 2007 n°2007-333669 et 25 nov 1997 n° 1997-023510

[11] Cass.com, 6 mai 1986, Cass.com 16 novembre 2004 n° 2004-026777 et Cass.com 11 juin 2002 n°2002-014890

[12] Cass.com 1 avril 2003 n° 2003-018725

[13] Cass.com 13 février 2001 n° 2001-008051

[14] CA Paris 25 novembre 1997

Partager cet article