Prescription de l’action contre la caution d’un débiteur en procédure collective

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 23 oct. 2019, n° 17-25.656, P + B

 

I – Les textes en question

 

Selon l’article L. 622-30 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, le tribunal prononce la clôture de la liquidation judiciaire lorsqu’il n’existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l’insuffisance d’actif.

 

L’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pose les principes de sécurité juridique et d’égalité des armes.

 

II – L’espèce

 

Par un acte notarié, une société consent à une autre un prêt garanti notamment par le cautionnement solidaire d’une personne physique. La société emprunteuse est mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire. Le prêteur déclare sa créance et assigne la caution en paiement.

 

La caution oppose la prescription de l’action en paiement du créancier, estimant que sa déclaration de créance tend à faire trancher par le juge-commissaire la question de l’existence, de la nature et du montant de cette créance. Or, l’instance ainsi ouverte s’éteint lorsque la décision de ce dernier devient irrévocable. Il s’ensuit que l’interruption provoquée par la déclaration de créance ne produit ses effets que jusqu’à l’intervention de cette décision.

 

L’argument ne convainc pas les juges du fond qui retiennent que l’effet interruptif de la prescription s’est prolongé jusqu’à la clôture de la procédure collective.

 

III – Le pourvoi rejeté

 

La caution saisit la Cour régulatrice de la question, au visa non seulement de l’article 622-30 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la Loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, mais aussi de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 

Outre la reprise de son argumentation d’appel, la caution soutient que l’application à la caution de la règle prévue de l’interruption de la prescription, à compter de la déclaration de créance et de son extension jusqu’à la clôture de la procédure collective, a pour elle des conséquences incompatibles avec le principe de sécurité juridique et d’égalité des armes. Les juges du fond devaient alors rechercher si, comme ils y étaient invités, cette solution n’était pas contraire au principe de sécurité juridique et d’égalité des armes.

 

Le pourvoi est rejeté : outre que la Cour confirme les juges d’appel dans leur application de la prescription de l’action conte la caution lorsque le débiteur principal est en procédure collective, elle considère que la prolongation de la liquidation judiciaire tant que tous les actifs ne sont pas réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’intérêt particulier de la caution, dès lors que son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur.

 

Dès lors, l’interruption de la prescription à l’égard la caution n’a pas pour effet de l’empêcher de prescrire contre le créancier, ni de la menacer d’une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause.

 

La Cour confirme ici sa jurisprudence : la déclaration de créance du créancier à la procédure collective du débiteur principal est analysée par la Cour de cassation comme une demande en justice, qui interrompt le délai de prescription contre la caution, et ce jusqu’à la clôture de la procédure collective, peu important que la créance ait été vérifiée ou non par le juge commissaire[1]

 

[1] Cass. com., 10 févr. 2015, n°13-21953, F-P+B ; Cass. com., 26 sept. 2006, n°04-19.751, F-P+B ;  Cass. com., 15 mars 2005, n°03-17.783, FS-P+B

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