En cas de liquidation judiciaire d’une société civile de droit commun, la déclaration de créance au passif de cette procédure dispense le créancier d’établir l’insuffisance du patrimoine social, de sorte que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n’est pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé.
Source : Cass. com., 20 mars 2019, n°17-18.924, F-P+B
I -Rappel des textes en question
L’article 1859 du Code civil précise que « toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société. »
II – L’espèce
Une SCI ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, une banque qui lui avait consenti un crédit destiné à financer l’acquisition d’un immeuble, a déclaré sa créance, laquelle a été admise à titre privilégié.
N’ayant été payée que partiellement par le liquidateur sur le prix de vente de l’immeuble, elle a assigné, un associé de la SCI, en paiement du solde au prorata des droits de ce dernier dans le capital social. L’associé lui a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale prévue à l’article 1859 du Code civil.
Les juges du fond ont statué en ce sens, pour déclarer la banque irrecevable en son action. Cette dernière s’est pourvue en cassation.
III – Le pourvoi
La banque faisait notamment valoir que sa créance avait été définitivement admise en 2010, et qu’elle ne pouvait agir à l’encontre des associés avant le 24 juin 2014, date à laquelle le liquidateur en lui transmettant un dernier dividende, l’informait que le solde de sa créance était définitivement irrecouvrable. Elle était légalement dans l’impossibilité d’agir à l’encontre des associés et ce d’autant qu’elle avait reçu plusieurs dividendes, que lorsque sa créance a été admise en 2010 elle était dans l’attente d’un désintéressement de sa créance.
Mais la SCI ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 29 avril 2008, la banque a déclaré sa créance, et n’a donc pas été dans l’impossibilité d’agir contre les associés alors qu’au surplus les opérations de réalisation de l’actif lancées par le liquidateur judiciaire et le certificat d’irrécouvrabilité qu’il a ensuite délivré confirment sans équivoque et concrètement que le banque ne pouvait attendre des opérations de répartition de l’actif de liquidation judiciaire une quelconque efficacité pour couvrir la totalité de sa créance, que le délai de cinq années ayant couru au moins à compter de la date de cette connaissance de la liquidation judiciaire, la prescription était acquise lors de la délivrance de l’assignation.
Le Cour de cassation approuve l’analyse des juges du fond, et rejette le pourvoi, précisant que l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’admission de la créance au passif de la procédure collective d’une société ne prive pas l’associé, poursuivi en exécution de son obligation subsidiaire au paiement des dettes sociales, d’opposer au créancier la prescription de l’article 1859 du civil, distincte de celle résultant de la créance détenue contre la société, et propre à l’action du créancier contre l’associé. Elle ajoute que le créancier, serait-il privilégié, qui a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société, n’est pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé.
S’il n’était pas établi que le jugement de conversion ait été publié au BODACC, la banque avait déclaré sa créance le 5 juin 2008, ce qui manifestait sa connaissance du prononcé de la liquidation judiciaire, la cour d’appel en a exactement déduit que la banque n’était pas dans l’impossibilité d’agir contre l’associé, de sorte que l’action exercée contre ce dernier le 12 février 2015 était prescrite.
La Cour de cassation avait déjà jugé en ces sens, en précisant que le principe de la dissolution de la société à la suite du prononcé de sa liquidation judiciaire implique que la prescription prévue à l’article 1859 du Code civil est, dans cette hypothèse, applicable à la liquidation judiciaire[1]. La publication du jugement de la liquidation judiciaire d’une société au BODACC constitue le point de départ de la prescription de l’action visée par l’article 1859 du Code civil[2].
[1] Cass. civ. 3, 13 novembre 2003, n°00-14.206, FS-P+B
[2] Cass. com., 12 décembre 2006, n°04-17.187, F-P+B