En matière de reclassement dans le cadre de licenciement pour motif économique, la Cour de cassation redéfinit la notion de Groupe, à la lumière des ordonnances Macron.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Chambre Sociale, Cour de cassation., 20 mars 2019, n° A 17-19.595, B 17-19.596, C 17-19.597, K 17-19.604, N 17-19.606, R 17-19.609, T 17-19.611, U 17-19.612, Y 17-19.616, Z 17-19.617, A 17-19.618, D 17-19.621, E 17-19.622, F 17-19.623 et H 17-19.624 / FS-P-B

 

Une entreprise connaissant des difficultés financières a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire. La société a fait l’objet d’un rachat de la totalité de ses parts par sa société mère (holding), elle-même cédée pour partie à un fonds de placement.

 

Plusieurs salariés, dont les contrats de travail n’ont pas été transférés, ont été licenciés pour motif économique dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

 

Les salariés ont saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir leurs licenciements jugés nuls ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, reprochant au mandataire liquidateur l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et un manquement à l’obligation de reclassement au niveau du groupe.

 

La Cour d’appel de Nancy, dans plusieurs arrêts en date du 7 avril 2017, déboute les salariés de leurs demandes au motif que :

 

– Il n’était pas établi que le fond détenait directement ou indirectement une fraction du capital de la holding lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales. Par conséquent, on ne pouvait pas considérer que cette société contrôlait la société liquidée, au sens du code de commerce ;

 

– Il existait des liens de contrôle et de surveillance entre le fond et la holding. Toutefois n’ayant pas constaté que le pacte d’associés définissant les droits et obligations respectifs de la holding et de ses divers actionnaires, dont le fonds commun de placement à risque géré par une société, conférait à cette dernière le droit d’exercer une influence dominante sur la holding, toujours au sens du code de commerce.

 

Pour les salariés licenciés, le périmètre de reclassement englobait le fonds commun de placement (et, par voie de conséquence, les entreprises dans lesquelles les fonds étaient investis).

 

Toute la question dans cet arrêt était d’identifier le Groupe en tant que périmètre de l’obligation de reclassement.

 

La Chambre Sociale de la Cour de cassation reprend sa jurisprudence afin de qualifier le groupe au sein duquel l’employeur est tenu de chercher des postes de reclassement en matière de licenciement pour motif économique, c’est-à-dire les sociétés dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail ou d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel .

 

Ainsi, l’absence de preuve de possibilités de permutation de tout ou partie du personnel entre la société liquidée et les entreprises dans lesquelles les fonds de placement gérés par la société, étaient investis.

 

Par suite, la Chambre sociale souligne que la cour d’appel a également recherché si la société gérante du fond contrôlait la société liquidée, en tant qu’entreprise dominante au sens des dispositions des articles L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

 

La décision de la Cour d’appel d’avoir adopté une approche capitalistique de la notion de Groupe, afin de définir le périmètre de l’obligation de reclassement est approuvé par la Cour de cassation.

 

Cette décision tranche avec deux arrêts du 16 novembre 2016 , la Chambre sociale avaient tracé une frontière nette entre le groupe en tant que périmètre d’appréciation du motif économique et le groupe en tant que périmètre de reclassement. Dans le premier cas, le groupe se définissait effectivement par une société dominante et des sociétés contrôlées, mais, dans le second, il fallait rechercher les possibilités de permutation du personnel, sans s’attarder sur les liens capitalistiques entre les sociétés concernées.

 

Par cet arrêt du 20 mars 2019, la Cour de cassation semble donc avoir modifié son approche et réintroduit les notions de contrôle et de société dominante pour identifier le groupe de reclassement. Ce n’est qu’une fois établie l’existence d’un groupe en termes de contrôle ou d’influence dominante que l’on peut explorer les possibilités de permutation entre les entités du groupe.

 

En adoptant et harmonisant cette définition du groupe de reclassement, la Cour de cassation adapte sa jurisprudence à la législation issue des ordonnances Macron, pourtant non encore applicable au moment des faits.

 

En effet, l’article L. 1233-4 du Code du travail, a redéfinit l’obligation de reclassement comme suit :

 

«

– d’une part, que le reclassement s’effectuait sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise faisait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assuraient la permutation de tout ou partie du personnel ;

 

– mais, d’autre part, que la notion de groupe désignait le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôlait dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce. »

 

Il s’agit également pour la Chambre sociale de mettre fin à la divergence d’appréciation de la notion de Groupe avec le Conseil d’Etat .

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