Quel est le délai et l’étendue de la contestation de la désignation d’un expert au CHSCT ?

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Cour de cassation – Chambre sociale 20 mars 2019, n°17-23.027 FS-P-B

 

A la suite d’une double délibération, le Comité d’Hygiène de Sécurité et des conditions de travail avait procédé par le biais de la première, à la désignation d’un expert en raison d’un risque grave, la seconde intervenue 28 octobre 2016 fixant le périmètre de l’expertise, le choix de l’expert et la désignation de l’élu représentant le CHSCT.

 

L’employeur avait alors assigner, le 31 octobre 2016, la représentante du Comité par devant le président du Tribunal de Grande Instance en annulation de la seconde délibération.

 

L’entreprise a été déboutée de sa demande, jugée forclose, car introduite plus de 15 jours après la première délibération.

 

La Cour de cassation devait donc trancher, à savoir si le point de départ du délai de contestation fixé par les articles L. 4614-13 et R. 4614-19 du Code du travail, débute à compter de la première délibération ou de la seconde.

 

Dans son attendu et au visa de l’article L. 4614-13, la Chambre sociale énonce que :

 

« l’employeur qui entend contester la nécessité ou l’étendue de l’expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

 

que si ce texte ne s’oppose pas à ce que le recours à l’expertise et la fixation de son périmètre ainsi que la désignation de l’expert fassent l’objet de délibérations distinctes du CHSCT, le délai de quinze jours pour contester les modalités de l’expertise ou son étendue ne court qu’à compter du jour de la délibération les ayant fixées »

 

Par conséquent, la Haute juridiction a cassé et annulé l’ordonnance rendue par le juge en ce qu’elle déboutait l’entreprise de sa demande d’annulation de la délibération du 18 octobre 2016.

 

La Cour de cassation [1] a déjà admis que le CHSCT vote en deux temps, par exemple sur le principe du recours à un expert puis sur le choix de cet expert. Dans le prolongement de cette jurisprudence, elle précise ici que le recours à l’expertise et la fixation de son périmètre ainsi que la désignation de l’expert peuvent également faire l’objet de délibérations distinctes du CHSCT.

 

Cependant, le délai de 15 jours pour contester les modalités de l’expertise ou son étendue ne court qu’à compter du jour de la délibération les ayant fixées.

 

Récemment, elle a même précisé que le délai de 15 jours pour contester le coût prévisionnel de l’expertise ne courait qu’à compter du jour où l’employeur en avait été informé [2].

 

Afin d’éviter les pratiques du CHSCT qui laisserait volontairement 15 jours entre deux délibérations afin que la forclusion soit automatiquement acquise, privant ainsi l’employeur de son droit d’agir en justice, la Cour de cassation fait ici preuve de pragmatisme.

 

Cet arrêt apporte un second élément.

 

En effet, l’employeur dans son assignation n’avait pas expressément contesté le coût prévisionnel de l’expertise, mais uniquement le périmètre de cette dernière.

 

Sur ce point, la cour de Cassation précise au visa du même article (L. 4614-13) que la contestation par l’employeur du périmètre de l’expertise dans le délai légal imparti induit nécessairement le droit de contester le coût prévisionnel de celle-ci.

 

Peut-on en déduire que la contestation de l’employeur sur les modalités de l’expertise recouvre de facto : la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût prévisionnel, l’étendue et la durée de l’expertise ?

 

En tout état de cause, ce contentieux n’a pu lieu d’être puisque la généralisation du CSE à l’horizon 2020 vient modifier les règles de recours à un expert en cas de risque grave (Art. L. 2315-94 du Code du travail).

 

Désormais, le point de départ du délai diffère selon la nature de la contestation de l’employeur (délai qui s’élève par ailleurs à 10 jours au lieu de 15).

 

Ainsi, le délai court à compter de la délibération du CSE décidant le recours à l’expertise si l’employeur entend contester la nécessité de l’expertise, à compter de la désignation de l’expert s’il entend contester le choix de l’expert, à compter de la notification par l’expert du coût prévisionnel de l’expertise s’il entend contester ce cout, etc… (Articles L. 2315-86, R. 2315-49 et R. 2315-50 du Code du travail).

 

Cette clarification a le mérite d’ôter aux juges tout pouvoir d’interprétation.

 

[1]Cass. soc. 5 juillet 2018, n° 17-11829

[2]Cass. soc. 28 mars 2018, n° 16-28561

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