Les probabilités de chance de remporter le contrat déterminent l’étendue de l’indemnisation du candidat irrégulièrement évincé.

Johanna HENOCQ
Johanna HENOCQ

Source : CE, 28 février 2020 n°426162

 

Une commune avait lancé, à tort et de manière irrégulière, une procédure ouverte de passation d’une convention de délégation de service public pour la gestion de son service restauration municipale.

 

L’une des sociétés candidates ayant vu son offre rejetée, celle-ci saisit le tribunal administratif d’un recours en contestation de la validité du contrat, lequel avait été signé avec une société concurrente.

 

Sa requête était assortie d’une demande indemnitaire de 8 758 890 euros en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de son manque à gagner sur dix ans et des frais qu’elle avait engagés pour présenter son offre.

 

En première instance, le tribunal avait partiellement fait droit à sa demande en requalifiant le contrat de délégation de service public en marché public et, jugeant que celui-ci était affecté de plusieurs vices d’une particulière gravité, en avait prononcé la résiliation.

 

La demande indemnitaire avait quant à elle été rejetée. Ce rejet avait été confirmé en appel.

 

La question qui se posait en l’espèce était la suivante :

 

  La mise en œuvre, irrégulière, d’une procédure de passation ouvre-t-elle droit à indemnisation pour le concurrent évincé ?

 

Le Conseil d’Etat débute son analyse par le rappel des conditions classiques et cumulatives d’indemnisation du concurrent évincé, à savoir :

 

1) Une faute née de l’irrégularité commise par le pouvoir adjudicateur

 

2) Un préjudice né de l’éviction irrégulière

 

3) Un lien de causalité entre la faute et le préjudice

 

4) Une chance de remporter le contrat

 

Lorsque ces quatre conditions sont réunies, le candidat a droit au seul remboursement des frais engagés pour présenter son offre.

 

Le Conseil d’Etat précise en outre, s’agissant de la quatrième condition, que lorsque le candidat avait des chances sérieuses de remporter le contrat, celui-ci a droit à l’indemnisation de son manque à gagner incluant les frais exposés pour présenter son offre.

 

Le Conseil d’Etat confirme d’abord l’analyse des juges d’appel qui avaient jugé que les irrégularités entachant la procédure de passation n’avaient pas privé la société requérante d’une chance sérieuse de remporter le marché de sorte que l’indemnisation du manque à gagner devait effectivement lui être refusée.

 

Toutefois, la Haute juridiction constate d’une part, que l’offre de la société requérante avait été classée en 2ème position et d’autre part, que la commune avait in fine décidé d’attribuer le marché public à cette dernière.

 

Dans ces conditions, la perte de chance de remporter le marché était une simple perte de chance de sorte que seuls les frais engagés pour présenter son offre devaient lui être remboursés.

 

Deux règles résultent de cet arrêt :

 

  La mise en œuvre, irrégulière, d’une procédure de passation n’entraine qu’une simple perte de chance de remporter le contrat

 

  L’étendue de l’indemnisation du candidat varie selon les probabilités de chances de remporter le contrat

 

A retenir donc :

 

  Erreur sur le choix de la procédure de passation = simple perte de chance de remporter le contrat

 

  Simple chance de remporter le contrat = remboursement des frais de présentation de l’offre

 

  Chances sérieuses de remporter le contrat = indemnisation du manque à gagner en ce compris le remboursement des frais de présentation de l’offre.

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