Le congé délivré par le locataire d’un bail à usage d’habitation par courriel n’est pas régulier malgré que le bailleur en ait accusé réception.

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

C’est le sens de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de CAEN en date du 11 janvier 2024, renvoyant expressément aux dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.

CA Caen, 2e ch. civ., 11 janv. 2024, n° 21/03398.

I –

Un contrat de bail à usage d’habitation a été régularisé entre une SCI bailleresse une locataire en novembre 2016.

Une garantie des loyers impayés a été souscrite auprès de la SASU ACTION LOGEMENT SERVICES

Par courriel en date du 4 février 2017, la locataire donne congé, le bailleur en ayant accusé réception.

L’état des lieux s’est déroulé en mai 2017, en l’absence de la locataire.

Le logement a été reloué en septembre 2017.

La SASU ACTION LOGEMENT SERVICES a par ailleurs versé à la SCI bailleresse la somme totale de 2.270,98 euros au titre des loyers et charges dus par la locataire au titre des mois de mars à août 2017.

II –

Par exploit en date du 29 juin 2020, la SASU ACTION LOGEMENT SERVICES a assigné la locataire par devant le Juge du Contentieux et de la Protection aux fins de voir condamner cette dernière à la somme de 2.270,98 euros au titre des loyers impayés dont à ajouter les intérêts au taux légal.

En outre, et quand bien même l’instance était en cours, par exploit en date du 9 décembre 2021, la SASU ACTION LOGEMENT SERVICES a fait assigner la SCI devant la même juridiction afin, notamment, de voir condamner cette dernière, à titre subsidiaire, à lui restituer la somme de 2.270,98 euros.

Les deux instances ont fait l’objet d’une jonction.

III –

En première instance, la locataire a été condamné à payer à la société ACTION LOGEMENT SERVICES la somme de 158,33 euros au titre des loyers et provisions sur charges et a condamné la SCI bailleresse à la somme de 2.112,60 euros au titre des sommes indument sollicitées.

La SCI bailleresse a fait appel de la décision, demandant l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau, la SCI bailleresse solliciter le débouté la société ACTION LOGEMENT SERVICES de toutes ses prétentions à son encontre, de condamner la locataire à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour agissements malhonnêtes et mauvaise foi, de condamner solidairement la locataire et la société ACTION LOGEMENT SERVICES à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, celle de 1.600 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.

IV –

Néanmoins, l’intérêt de cet arrêt est la validité ou non du congé donné par courriel par la locataire, congé ayant fait l’objet d’un accusé réception par le bailleur.

Pour cela, la Cour rappelle les dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa dans sa rédaction applicable au bail en cause : lorsqu’il émane du locataire, le congé doit respecter un délai de préavis de trois mois et doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Le délai de préavis court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l’acte d’huissier ou de la remise en main propre.

La Cour a donc jugé que le congé émanant du locataire ne saurait être valablement donné par simple courriel, dès lors que cette forme n’est pas prévue par les dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et ce peu important que le bailleur ait accusé réception de ce congé par courriel du 6 février suivant, dès lors que celui-ci a demandé par ce même courriel à la locataire de régulariser son congé dans les formes prévues à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et rappelées au contrat de bail.

En définitive, que ce soit le courriel du 4 février 2017 transmis par la locataire à la SCI bailleresse l’informant qu’elle entend délivrer congé ou la remise des clefs n’ont pas mis fin au bail : les loyers et charges sont dus jusqu’au mois d’aout 2017 inclus dès lors qu’un nouveau locataire est arrivé dans les lieux en septembre 2017.

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