Source : 3ème civ, 23 janvier 2020, n°19-11215, Publié au Bulletin.
Il ressort de l’article 1 du décret du 30 septembre 1953, devenu L145-1 I du Code de commerce que le preneur à bail d’un terrain nu ne bénéficie pas de la propriété commerciale sauf, selon le 2° dudit article, en cas d’édification sur le terrain de constructions à usage commercial, industriel ou artisanale, avec le consentement du propriétaire :
« I. – Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre :
1° Aux baux de locaux ou d’immeubles accessoires à l’exploitation d’un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds et qu’ils appartiennent au propriétaire du local ou de l’immeuble où est situé l’établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l’utilisation jointe ;
2° Aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées – soit avant, soit après le bail – des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire. »
Les mots « et en outre » véhiculant une idée de condition alternative, d’ailleurs consacrée pour les locaux accessoires du 1° par la jurisprudence[1] (aucun fonds ni immatriculation n’étant nécessaire pour que des locaux accessoires bénéficient du statut), les dispositions du 2° bénéficiait-il de semblable autonomie ?
Plus clairement dit, dès lors que des constructions ont été édifiées à usage commercial avec l’accord du bailleur, fallait-il appliquer automatiquement les dispositions statutaires au bail, ou le preneur devait-il également exploiter un fonds et être immatriculé ?
Malgré une rédaction qui ne conduisait pas nécessairement à cette interprétation, la Cour de cassation a rapidement opté pour une absence d’autonomie du texte[2] : Pas de dérogation à la règle générale selon laquelle ne bénéficient du droit au renouvellement que les seuls locaux dans lesquels un fonds est exploité par un preneur immatriculé.
L’ancienneté de la position prétorienne, bien que confirmée en 1999 par la Cour d’appel de RENNES, dans un litige dans lequel la nature de la construction semblait également en débats[3], avait toutefois incité un preneur à tenter un revirement. Dans l’affaire commentée, le preneur à bail commercial, conclu en 1986, portant sur un terrain nu sur lequel avait été édifié une station de lavage, s’était vu signifié en 2014, un congé portant refus de renouvellement pour dénégation du droit au statut, en raison de l’absence d’immatriculation de cet établissement secondaire au RCS.
Seule échappatoire apparente à cet oubli du preneur, celui-ci concluait à l’autonomie des textes, à savoir que l’application du statut au constructions sur terrains nus ne nécessitait l’exploitation d’aucun fonds, et d’aucune immatriculation.
Peine perdue, les premiers juges, dont la décision est confirmée par la Cour d’appel de COLMAR (ch1A, 31 octobre 2018, n°17/562), estiment que le droit au renouvellement est réservé aux preneurs immatriculés, ce que confirme clairement la Cour de cassation en rejetant le pourvoi :
« Mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le preneur à bail d’un terrain nu sur lequel sont édifiées des constructions ne peut bénéficier du droit au renouvellement du bail que confère le statut des baux commerciaux que s’il remplit les conditions exigées au premier alinéa de l’article L. 145-1-I du code de commerce tenant à son immatriculation et à l’exploitation d’un fonds et ayant constaté que la société Clean Service Wolfidis n’était pas, au moment de la délivrance du congé, immatriculée pour l’établissement secondaire exploité dans les lieux, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci n’avait pas droit à une indemnité d’éviction ; »
Le Preneur avait enfin tenté de plaider la régularisation ultérieure de la formalité, en vain : Rappelons en effet que l’absence d’immatriculation à la date du congé est une erreur fatale qui prive définitivement le preneur de toute propriété commerciale, et même si :
Le défaut d’immatriculation est dû à une impossibilité d’exploiter le fonds à cause du bail[4] ;
Une décision de justice postérieure à cette date ordonne la réinscription rétroactive au registre[5]
Le défaut d’immatriculation est imputable à une erreur du Greffe[6].
On ne badine pas avec l’obligation d’immatriculation !
[1] 3ème civ, 11 juin 1997, n° 95-18207, Publié au Bulletin
[2] 3ème civ, 28 juin 1977, DAME PASTORE C/ SCI SAINT-CLAIR, Inédit
[3] CA RENNES, ch1 A, 15 juin 1999, RG 98/05420
[4] 3ème Civ. 18 octobre 2005 n° 04-15.348
[5] 3ème Civ. 12 janvier 1999 n° 96-17.210