SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 1er décembre 2021 n°19-24.766 (FP-B + R)
Un salarié a été embauché à compter du 5 novembre 2008 en qualité de « Principal Consultant » par une société de droit anglais.
Il a été victime d’un accident du travail le 24 juin 2010 et placé en arrêt de travail jusqu’au 5 juillet suivant.
Il a ensuite été licencié pour insuffisance professionnelle le 10 aout 2012, le contrat de travail ayant pris fin à l’issue du préavis le 14 novembre 2012.
Il a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris en sollicitant principalement le prononcé de la nullité de son licenciement et sa réintégration, prétendant qu’au moment de son licenciement son contrat de travail était toujours suspendu à la suite de l’accident du travail dont il avait été victime le 24 juin 2010, ceci en l’absence de la visite de reprise prévue aux articles R4624-1 et R4624-22 du Code du Travail, de sorte que son licenciement pour insuffisance professionnelle notifiée le 10 août 2012 soit pour un motif autre que ceux prévus par l’article L1226-9 du Code du Travail à savoir faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie, étant intervenu en période de suspension du contrat de travail, devait être considéré comme nul, peu important à cet égard sa reprise du travail le 5 juillet 2010.
Saisie à titre de cour d’appel de renvoi, la Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 25 septembre 2019 va prononcer la nullité du licenciement.
Le salarié demandant sa réintégration dans l’entreprise, la Cour d’Appel va ordonner sa réintégration et juger qu’il a droit au paiement d’une somme dans la limite du montant des salaires dont il a été privé sous déduction des revenus tirés d’une autre activité et du revenu de remplacement qui lui a été servi durant la période entre le licenciement et la réintégration.
La Cour d’Appel fixe donc la moyenne mensuelle des salaires à allouer au salarié pour la période du 15/11/2012 et jusqu’à sa réintégration.
En revanche, la Cour considère que la période d’éviction n’ouvrant pas droit à acquisition de jours de congés, le salaire mensuel ne devra pas être augmenté comme le revendique le salarié, d’une indemnité compensatrice de congés payés.
A la suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, il maintient qu’il était fondé à solliciter le paiement de toutes les sommes et droits dont il aurait bénéficié s’il n’avait pas été licencié, en ce compris ses salaires et les jours de congés payés y afférents.
La Chambre Sociale de la Haute Cour va accueillir les demandes du salarié au visa des articles L1226-9 et L1226-13 du Code du Travail.
Soulignant que sa jurisprudence aux termes de laquelle la période d’éviction ouvrant droit, non à une acquisition de jours de congés payés mais à une indemnité d’éviction, le salarié ne pouvait bénéficier effectivement de jours de congés payés pour cette période, s’oppose à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, laquelle dans son arrêt du 25 juin 2020 a jugé que l’article 7 §1 de la directive 2003/88/CE s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié puis réintégré dans son emploi conformément au droit national à la suite de l’annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n’a pas droit à des congés payés annuels, payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration, au motif que durant cette période ce travailleur n’a pas accompli un travail effectif au service de l’employeur.
Elle précise que le fait qu’un travailleur ait été privé de la possibilité de travailler en raison d’un licenciement jugé illégal par la suite est, en principe, imprévisible et indépendant de la volonté de ce travailleur, et que dès lors, la période comprise entre la date du licenciement illégal et la date de la réintégration du salarié, conformément au droit national, à la suite de l’annulation de ce licenciement par une décision judiciaire, doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits aux congés payés annuels.
Par suite, la Chambre Sociale affirme qu’il y a eu lieu de juger désormais que sauf lorsque le salarié a occupé un nouvel emploi durant la période d’éviction comprise entre la date de son licenciement nul et celle de sa réintégration, il peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions L3141-3 et L3141-9 du Code du Travail.
Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’arrêt d’appel sur ce point.
Ce faisant, la Chambre Sociale de la Haute Cour aligne sa jurisprudence sur celle de la Cour de Justice de l’Union Européenne sur ce point.