Source : Cass. com., 2 juin 2021, n° 20-10.690, FS-P
I – L’espèce
Par un acte du 7 novembre 2008, une banque a accordé à une société un prêt, garanti par un cautionnement personnel personne physique. L’engagement de caution a été consenti dans un acte annexé au contrat de prêt, le tout étant établi en deux exemplaires originaux, remis l’un à la banque, l’autre à la caution.
La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a obtenu une ordonnance d’injonction de payer contre la caution, à laquelle celle-ci a formé opposition, en faisant valoir que la mention manuscrite de l’acte de cautionnement n’était pas conforme à la loi.
La cour d’appel anéantira l’injonction de payer, et prononcera la nullité du cautionnement et déboutera la banque de toutes ses demandes contre la caution. Elle a formé pourvoi contre cette décision.
II – Le pourvoi
Pour la banque, « si la mention manuscrite visée par l’article L. 341-2 du code de la consommation doit figurer sur le cautionnement sous seing privé à peine de nullité, le texte n’exige pas qu’elle soit portée intégralement sur plusieurs originaux, la preuve de la validité du consentement de la caution étant suffisamment établie par une mention pleinement conforme aux exigences de la loi ; qu’en affirmant pourtant que le cautionnement était nul en l’état d’une mention imparfaite sur l’un des exemplaires originaux, bien que l’autre original du contrat ait comporté une mention manuscrite complète, ce qui suffisait à s’assurer du consentement éclairé de la caution, la cour d’appel a violé l’article L. 341-2 du code de la consommation. »
Au visa de l’article L.341-2 du Code de la consommation (devenu depuis L.331-1), la Cour de cassation rappelle que « aux termes de ce texte, toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. »
Pour mettre à néant l’ordonnance portant injonction de payer et prononcer la nullité du cautionnement, l’arrêt, après avoir relevé que l’acte produit par la caution comportait une mention manuscrite ne respectant pas le formalisme prévu par le texte précité, en ce que le mot « caution » en a été omis, et que cette divergence avec la formule légale affecte le sens et la portée de la mention manuscrite, retient qu’il importe peu que la banque détienne un autre exemplaire de l’acte qui comporte, cette fois, l’intégralité de la mention légale, dès lors que la mention est incomplète sur un des exemplaires et que la différence qui en résulte avec la mention légale est déterminante et n’a pas permis à la caution de prendre la pleine mesure de la nature et de la teneur de son engagement.
En statuant ainsi, alors que, le cautionnement étant un contrat unilatéral, un seul original était requis et que la caution ne contestait pas avoir écrit de sa main les mentions conformes aux prescriptions légales sur l’exemplaire original détenu par le créancier, la cour d’appel a violé le texte susvisé. Il faut et il suffit, pour que le cautionnement soit valable, que le créancier détienne un original comportant une mention manuscrite conforme à la loi.
Le cautionnement n’est donc pas soumis à la règle dite du double original, prévue par l’article 1375 du Code civil. L’alinéa 1er de ce texte prévoit en effet que « L’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé ».
La solution permet ainsi de déjouer l’éventuelle malice de la caution qui ferait en sorte de ne pas respecter le formalisme du Code de la consommation, au sein de son propre exemplaire du contrat, ce qui confinerait à la fraude comme le rappelle la Cour de cassation encore aujourd’hui[1].
L’avant-projet d’ordonnance de réforme du droit des suretés dévoilé le 18 décembre 2020 ne contient en tous les cas aucune règle à ce sujet.
[1] Com. 5 mai 2021, n° 19-21.468 ; Com. 4 mars 2021, n° 19-20.033