SOURCE : Cass. civ 3ème, 11 mai 2022, n°21-15389, FS – PB
Prévu à l’article L145 – 5 du Code de commerce, le bail dérogatoire permet de conclure un bail commercial non soumis au statut pour une durée égale ou inférieure à trois ans, et ce lors de l’entrée dans les lieux du preneur :
« Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l’expiration de cette durée, et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l’expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d’un nouveau bail pour le même local.
(…) ».
Il s’infère à la lecture de ce texte, que le renouvellement du bail dérogatoire n’est possible au-delà du délai légale de trois ans. A l’expiration de la durée du bail dérogatoire, il s’opère un nouveau bail soumis au statut, en cas de renouvellement exprès du bai pour une durée portant la durée totale des baux successifs à plus de trois ans, ou encore en cas de conclusion, entre les mêmes parties, d’un nouveau bail pour le même local pour une durée portant la durée totale des baux successifs à plus de trois ans.
A l’inverse, si l’une des parties n’a pas fait obstacle au maintien dans les lieux avant l’expiration du bail dérogatoire, il reste encore aux deux parties la possibilité de le faire dans le délai du mois qui suit ; cette règle s’appliquant à la fin du bail dérogatoire et non à la fin du délai légal de trois ans[1].
Il se peut également que le bail dérogatoire lui-même contienne une clause de renouvellement tacite. Lorsqu’une telle clause est amenée à jouer et qu’un renouvellement s’opère, le preneur peut-il invoquer l’alinéa 2 de l’article précité et soutenir qu’il est resté dans les lieux afin de bénéficier d’un bail commercial soumis au statut ?
Sur ce point, la Haute juridiction a répondu par la négative dans l’arrêt objet du présent CHRONOS.
En l’espèce, un bail dérogatoire avait été conclu pour une durée d’un an à compter du 1er juillet 2015 et prévoyait qu’il a été « consenti et accepté pour une durée d’une année qui a commencé à courir rétroactivement du 1er juillet 2015 pour se terminer le 30 juin 2016 et qu’il sera renouvelé tacitement à l’issue de la première année et ainsi chaque année, sans dépasser une durée maximum de trois ans ».
Par ailleurs, aucun délai de prévenance, hormis l’antériorité du congé au regard de la date d’expiration du bail n’était imposé au bailleur.
Celui-ci signifia le 28 juin 2017 au locataire, un congé à effet au 30 juin 2017 considérant que le bail dérogatoire s’était renouvelé tacitement pour une année, puis l’assigna en libération des lieux et en paiement d’une indemnité d’occupation.
Sachant que la durée globale de ces deux baux dérogatoires n’était que de deux ans, la Cour de cassation décide logiquement qu’ :
« Un congé, délivré antérieurement au terme du dernier des baux dérogatoires successifs, dont la durée légale cumulée ne dépasse pas la durée légale [à savoir 3 ans], et qui manifeste la volonté des bailleurs de ne pas laisser le locataire dans les lieux, le prive de tout titre d’occupation à l’échéance du bail ».
Le congé ne concernant qu’un bail dérogatoire, les hauts magistrats ont considéré que la Cour d’appel en avait exactement déduit que le locataire ne pouvait se prévaloir d’un défaut de respect des dispositions de L.145-41 du code de commerce, applicables aux seuls baux commerciaux statutaires (nécessité de faire délivrer un commandement visant la clause résolutoire un mois avant toute action en acquisition de la clause résolutoire inscrite au bail commercial).
[1] Cass. civ 3ème, 8 juin 2017, n°16-24045, FS – PB