Source : Cass. civ. 2ème, 13 octobre 2016, n°15-24.301, F-P+B
I – Les faits
Une personne physique saisit une commission de surendettement des particuliers d’une demande de traitement de sa situation financière. Une banque s’oppose à cette demande, et forme pour ce faire un recours contre la décision d’admission de la commission.
Le tribunal d’instance déclare la demande de traitement formée par le débiteur irrecevable, retenant que ce dernier exploite directement une EURL et, qu’étant associé unique et dirigeant de fait de cette société commerciale inscrite au Registre du commerce et des sociétés, il réalise des actes de commerce.
Le débiteur forme un pourvoi en cassation.
II – L’arrêt de cassation
La Haute juridiction censure le jugement du tribunal d’instance, et rappelle que le Code de la consommation réserve le bénéfice d’une procédure de surendettement aux personnes physiques, si elles démontrent une impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de leurs dettes non professionnelles exigibles et à échoir. Un créancier peut toujours s’y opposer, à charge pour lui de démontrer la mauvaise foi du débiteur.
Elle rappelle aussi tout simplement le principe de la séparation des patrimoines : l’EURL à dirigeant-associé unique possède une personnalité juridique distincte de celui-ci. En déclarant irrecevable le débiteur à la procédure de surendettement aux motifs qu’en sa qualité de gérant et associé unique exploitant directement l’EURL, il est le seul à pouvoir faire fonctionner l’EURL et réalise, de ce fait, des actes de commerce de sorte qu’il a la qualité de commerçant exclusive de la procédure de surendettement, le tribunal d’instance a violé les articles L.333-3 du Code de la consommation[1], L.223-1 (définition légale de la SARL) et L.640-2 du Code de commerce (conditions d’ouverture de la liquidation judiciaire) par fausse application.
III – Le surendettement ouvert au plus grand nombre
L’existence de dettes professionnelles ne suffit pas à exclure le débiteur du bénéfice de la procédure, dès lors que la situation de surendettement se trouve caractérisée[2]. Allant plus loin, la Cour de cassation admet même que le juge du surendettement peut ordonner la suspension de l’exigibilité des créances de l’URSSAF[3].
En présence de dettes professionnelles et non professionnelles, le juge doit rechercher si ces dernières, à elles seules, ne placent pas le demandeur en situation de surendettement[4].
Cette jurisprudence illustre une nouvelle fois qu’en matière de surendettement, le raisonnement ne peut pas être binaire, avec d’un côté l’admission systématique des personnes physiques non commerçantes, et de l’autre côté l’exclusion systématique des personnes physiques commerçantes. Dans l’esprit protecteur des textes, la Cour suprême a souhaité élargir au plus grand nombre le bénéfice du surendettement, ce qu’elle rappelle par le présent arrêt.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Nouvel article L.711-3 du Code de la consommation
[2] Cass. civ. 1ère, 16 juin 1993, n°92-04.113, Bull., I, n°221
[3] Cass. civ. 1ère, 2 oct. 2002, n°01-04.140, FS-P+B
[4] Cass. civ. 2ème, 6 juin 2013, n°12-15.892, F-D