Absence de harcèlement ne veut pas dire respect de l’obligation de sécurité par l’employeur.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 8 juillet 2020, n°18-24.320, FS-P+B

 

Un salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir dire que sa prise d’acte produisait les effets d’un licenciement nul ainsi que des demandes de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et manquement par l’employeur à son obligation de sécurité.

 

Afin de justifier le harcèlement dont elle s’estime victime, la salariée produit le mail d’un salarié de l’entreprise l’ayant invité à déjeuner et ayant insisté, en dépit de ses refus, pour qu’ils aient un rendez-vous privé.

 

La salariée justifie également à travers plusieurs courriels avoir dénoncé ces agissements :

 

  à l’employeur,

 

  aux délégués du personnel,

 

  à une déléguée syndicale,

 

  à l’inspecteur du travail,

 

  au procureur de la République, ainsi que le procès-verbal d’audition de plainte pour harcèlement sexuel rédigé par les services de police.

 

La cour d’appel, appréciant souverainement les faits, déboute la salariée au motif que les agissements considérés reposent sur les seules déclarations de la salariée qui s’en dit victime, lesquelles insuffisantes pour établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement sexuel.

 

Dès lors, la prise d’acte de la salariée de la rupture de son contrat de travail doit s’analyser comme une démission, de sorte que la salariée ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour harcèlement sexuel, au paiement d’indemnités de rupture, à des dommages-intérêts pour licenciement nul et a des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat.

 

La salariée se pourvoi en cassation invoquant que les éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement sexuel, qu’ils ne constituent pas une preuve à soi-même.

 

Elle reproche également à la cour d’appel d’avoir déduit de l’absence de harcèlement sexuel, l’absence de manquement à son obligation de sécurité de résultat.

 

Si sur le premier point, la Cour de cassation renvoi classiquement à l’appréciation souveraine des juges du fond pour caractériser l’absence de harcèlement, elle réfute l’idée d’une impunité de l’employeur en matière d’obligation de sécurité de résultat dès lors qu’il n’est pas établi des faits de harcèlement.

 

En effet, l’obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral ou sexuel et ne se confond pas avec elle. De sorte que l’absence de harcèlement n’est pas en soi de nature à justifier du respect par l’employeur de son obligation de sécurité.

 

Dans ces conditions, l’employeur peut ne pas être condamné pour des faits de harcèlement, mais peut tout de même l’être pour manquement à son obligation de sécurité.

 

Dans l’hypothèse du harcèlement[1], l’employeur est supposé avoir respecté son obligation de sécurité s’il justifie :

 

  Avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, à savoir les mesures de prévention des risques, la formation et l’information du personnel, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, tout en respectant les principes généraux de prévention ;

 

  Avoir pris toutes les mesures immédiates propres à faire cesser le harcèlement dès qu’il a été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral.

 

Sur ce point, il appartiendra donc à la cour d’appel de renvoi d’apprécier si l’employeur a satisfait ou non à son obligation de sécurité.

 

[1] Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702

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