A qui s’impose l’avis d’inaptitude non contesté ?

Judith Ozuch
Judith Ozuch

En l’absence de recours exercé en application de l’article L. 4624-7 du code du travail contre l’avis du médecin du travail, celui-ci s’impose aux parties comme au juge.

Sources : Cass. soc. 7-2-2024 n° 21-10.755

L’article L4624-7 (I) du Code du travail dispose que :

« I.-Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige ».

Ainsi, l’employeur comme le salarié peuvent exercer un recours contre les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail et reposant sur des éléments de nature médicale devant le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond dans un délai de 15 jours à compter de leur notification.

Le point de départ de ce délai de 15 jours s’entend de la réception de l’avis médical[1] ou de sa remise en main propre contre émargement ou récépissé[2].

En l’espèce, une salariée, employée en qualité de chauffeur camion a été victime d’un accident du travail. Suite à un arrêt de travail, elle est déclarée inapte à son poste par le médecin du travail.

Le Médecin du travail précisait sur l’avis délivré à la salariée qu’elle pouvait effectuer un travail à un poste de type administratif à temps réduit inférieur à une heure par jour à domicile. La salariée ne contestait pas l’avis.

Sur l’avis d’inaptitude délivré à l’employeur, le Médecin du travail précisait que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise ».

La salariée était sans surprise licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement à la suite de ce dernier avis et saisissait la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de son licenciement.

Elle estimait que son employeur avait manqué à son obligation de reclassement en ne cherchant pas à la reclasser suivant l’avis d’inaptitude qui lui avait été remis.

La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond.

Elle énonce au visa de l’article L.4624-7 du Code du travail « qu’en l’absence de recours exercé devant le conseil de prud’hommes contre l’avis du médecin du travail celui-ci s’impose aux parties comme au juge ».

Ensuite, la Haute Juridiction juge que « la cour d’appel, qui a constaté, d’une part, que la preuve que l’employeur ait obtenu par fraude l’avis d’inaptitude dont il se prévalait n’était pas rapportée et, d’autre part, que cet avis n’avait pas, au jour où elle statuait, fait l’objet d’un recours devant le conseil de prud’hommes, ne pouvait qu’en déduire que celui-ci s’imposait aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement ».

Elle considère donc qu’il importait peu que le délai de recours à l’encontre de cet avis n’ait pas couru.

La solution est particulièrement sévère pour la salariée. La Cour considère que la salariée aurait dû exercer un recours dès qu’elle a eu connaissance de l’avis d’inaptitude repris dans les courriers de l’employeur.


[1] Cass. soc. 2-6-2021 no 19-24.061

[2] Cass. soc. 2-3-2022 no 20-21.715 

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