Source : 3ème civ, 13 septembre 2018, n°17-19525, FS-P+B+I
Le contentieux de la validité des clauses d’indexation se poursuit : après avoir dit, dans un arrêt du 17 mai 2018 commenté sur Vivaldi-Chronos[1], que la révision spéciale de l’article L145-39 du Code de commerce, ne pouvait entrainer la remise en cause d’une clause d’indexation à indice de base fixe au regard des dispositions d’ordre public de l’article L112-1 du CMF, la Cour de cassation a été saisie des effets du point de départ du bail de renouvellement sur la clause d’indexation.
Pour une meilleure compréhension du problème, plus général que celui spécifique présenté à la juridiction, il y a lieu de se reporter aux dispositions de l’article L145-12 du code de commerce :
« Le nouveau bail prend effet à compter de l’expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande. »
Plus clairement dit, si le bail initial s’est poursuivi par tacite prolongation, le bail renouvelé prendra effet le premier jour d’un trimestre.
Or il est fréquent que les clauses d’indexations stipulent que le loyer variera à une date précise qui est généralement la reproduction de la date de prise d’effet du bail initial (par exemple le 6 novembre), sur la base d’une variation indiciaire de 4 trimestres.
Le loyer d’un bail de renouvellement à effet au 1er janvier 2018 sera ainsi indexé le 6 novembre 2018 (au bout de 10 mois) sur la base d’une variation indiciaire d’une année (12 mois).
L’effet produit est le même pour le renouvellement issu du droit de repentir du bailleur des articles L145-58 et l145-59 du code de commerce, objet de la présente affaire, la date d’effet du bail de renouvellement, qui est la date de la notification du repentir du bailleur [2] étant généralement différente de la date d’effet du bail initial, créant la même distorsion entre la durée entre deux indexations et la période de variation indiciaire.
Ainsi en l’espèce, un bail a pris effet le 1er janvier 1994. Après avoir refusé de renouveler le bail, le bailleur exerce son droit de repentir et offre au preneur, le 1er février 2006, le renouvellement du bail. Le bail de renouvellement prenant effet à cette dernière date, le preneur explique qu’au 1er janvier 2007, le loyer aura évolué selon la variation de l’indice ICC sur 12 mois alors que le nouveau bail n’aura duré que 11 mois…
Sa position est partagée par la Cour d’appel de VERSAILLES, constatant que le contenu de la clause d’indexation, et l’exercice du droit de repentir du bailleur conduisent effectivement à la création d’une distorsion qui se renouvelle à chaque indexation, la clause étant à indice de base fixe.
Elle répute en conséquence non écrite la clause d’indexation stipulée au bail, et ordonne le remboursement de la différence entre le loyer payé et le loyer initial.
Le Bailleur se pourvoit en cassation en prétendant que seules les clauses d’indexations créant, sui generis, une distorsion sont prohibées par les dispositions d’ordre public de l’article L112-1 du CMF, à l’exclusion donc des clauses d’indexation subissant une indexation du fait de leur environnement (révision, renouvellement, etc ;), ce qu’admet la cour de cassation dans son arrêt du 13 septembre :
« Qu’en statuant ainsi, alors que la distorsion retenue ne résultait pas de la clause d’indexation elle-même, mais du décalage entre la date de renouvellement du bail intervenu le 1er février 2006 et la date prévue pour l’indexation annuelle du loyer fixée au 1er janvier 2006, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »
La position est salutaire, puisque l’encadrement législatif statutaire ne saurait mettre à mal un accord des parties qui, à la base, était conforme à l’ordre public ; mais cette position ne résout pas totalement le fond du problème des indexations prématurées sur la base de variations indiciaires plus longues : le juge pourrait-il alors modifier la date d’indexation pour régulariser l’indexation, mais au visa de quelle disposition, puisque l’article R145-22 n’est applicable qu’à la révision légale ? Le preneur devra-t-il dès lors subir cette « indexation exceptionnelle » ?
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Commentaire Vivaldi-chronos du 8 juin 2018 : « La révision légale du loyer ne saurait organiser l’illicéité d’une clause d’indexation »
[2] Cf par exemple 3ème civ, 19 juillet 1984, n°82-15.305, Publié au bulletin