Prescription et annulation d’une transaction en procédure collective

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 20 octobre 2021, n°20-16231, n°671 B

 

A la suite d’une mise en redressement judiciaire, le mandataire autorise une transaction sur des prestations de transports portant d’un côté un abandon d’un quantum de créance et une renonciation à une action directe contre les clients en contrepartie d’un paiement.

 

L’ordonnance du Juge commissaire autorisant la transaction sera annulée emportant la restitution des fonds versés comme sollicité par le liquidateur de la société, décision confirmée en appel critiquée comme suit devant lors du pourvoi :

 

« 2°/ que l’action en restitution du paiement effectué en exécution d’un contrat de transport est soumise à la prescription annale, peu important qu’elle soit exercée après l’annulation de l’ordonnance du juge-commissaire autorisant le transporteur à transiger avec le donneur d’ordres pour ne payer qu’une fraction de la créance du voiturier ; qu’en l’espèce, il est constant que le paiement intervenu sur le fondement de la transaction annulée rémunérait les factures de transports réalisés par la société LCI-Clasquin au profit de la société Pauporte ; qu’en rejetant pourtant le moyen pris de l’application de la prescription annale, la cour d’appel a violé, par refus application, l’article L. 133-6 du code de commerce. »

 

La Cour de cassation ne suivra pas le raisonnement dans son dispositif et précisera :

 

« Réponse de la Cour

 

5.  L’ordonnance du juge-commissaire, qui autorisait un paiement prohibé, ayant été annulée, c’est en tirant la conséquence de l’effet rétroactif du jugement prononçant son annulation et en faisant l’exacte application de l’article L. 622-7 du code de commerce que l’arrêt retient qu’en raison de cette décision, le paiement n’avait pas été autorisé et que l’action tendant à son annulation et à la restitution des fonds, qui ne constituait pas une action à laquelle peut donner lieu le contrat de transport au sens de l’article L. 133-6 du même code, était soumise, non à la prescription par un an prévue par ce dernier texte, mais à la prescription par trois ans prévue par l’article L. 622-7 précité.

 

6.  Le moyen n’est donc pas fondé.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

REJETTE le pourvoi ; »

 

La décision suit la logique textuelle puisque l’annulation de l’acte entraine la remise en l’état des parties au jour de la signature. Le caractère rétroactif justifie le retour des sommes dans la procédure collective.

 

Quant à la prescription, elle est balayée par la Cour en ce que le paiement trouvait son origine dans la transaction, non dans le contrat de transport de sorte que la prescription annale ne pouvait s’appliquer. La prescription est alors de 3 ans conformément aux dispositions de l’article L622-7 du Code de commerce repris ci-dessous :

 

« I. – Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.

 

De même, il emporte, de plein droit, inopposabilité du droit de rétention conféré par le 4° de l’article 2286 du Code civil pendant la période d’observation et l’exécution du plan, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession d’activité décidée en application de l’article L. 626-1.

 

Il fait enfin obstacle à la conclusion et à la réalisation d’un pacte commissoire.

 

II. – Le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l’entreprise, à consentir une sûreté réelle conventionnelle en garantie d’une créance postérieure à l’ouverture de la procédure, à payer le transporteur exerçant une action au titre de l’article L. 132-8 du code de commerce ou à compromettre ou transiger. Néanmoins, si l’un de ces actes est susceptible d’avoir une incidence déterminante sur l’issue de la procédure, le juge-commissaire ne peut statuer qu’après avoir recueilli l’avis du ministère public.

 

Après avoir recueilli les observations du ministère public, le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à exercer le droit prévu à l’article 1699 du Code civil. Il peut aussi l’autoriser à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l’activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d’option est justifiée par la poursuite de l’activité.

 

III. – Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte ou du paiement de la créance. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci. »

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