Source : Cass.2ème Civ., 28 mars 2019, n°18-13.229 et n°18-15.088
C’est ce que rappelle la Seconde Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans ces deux décisions, inédites, du même jour.
Ainsi pour le premier arrêt :
« …
Sur le moyen unique pris en ses première et troisième branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en- Provence, 16 novembre 2017) et les productions, que la société Centrazur, qui exerce une activité de transaction immobilière, de gestion locative et de syndic de copropriété, a vendu en 2009 son portefeuille de gestion locative et de syndic de copropriété à la société France azur gestion ; que ces deux sociétés sont assurées auprès de la société AXA assurances IARD (l’assureur) au titre d’une police multirisque professionnelle et d’une police responsabilité civile garantissant notamment la responsabilité qu’elles peuvent encourir du fait de leurs préposés ; qu’elles ont été victimes de détournements de fonds commis, depuis 2006, par une salariée qui a été condamnée par jugement du tribunal correctionnel de Nice du 1er juillet 2009 pour abus de confiance, vol, faux et usage de faux ; qu’après avoir obtenu en référé la désignation d’un expert et l’allocation d’une provision, les sociétés Centrazur et France azur gestion ont assigné l’assureur en exécution de sa garantie ;
Attendu que ces sociétés font grief à l’arrêt de condamner l’assureur à leur payer la somme de 59 439,82 euros, déduction faite d’une provision de 70 000 euros déjà versée et sauf à déduire la franchise contractuelle et de les débouter du surplus de leurs demandes alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit respecter la loi du contrat, loi des parties ; qu’en retenant que, s’agissant d’une assurance de responsabilité, la police d’assurance de responsabilité civile ne garantissait que les dommages causés aux tiers et dont l’assuré était responsable et non les dommages causés par l’assuré, de sorte que n’étaient pas couverts les frais engagés à la suite des agissements frauduleux de la salariée, quand la police d’assurance de responsabilité civile souscrite prévoyait que « la garantie s’applique aux conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l’assuré, en raison de dommages corporels, matériels ou immatériels causés aux tiers », de sorte qu’au-delà de l’indemnisation du seul dommage causé au tiers, le contrat couvrait toutes les conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant aux assurés et devait donc s’étendre, notamment, aux frais engagés à la suite des agissements frauduleux de la salariée, à savoir le surcoût d’assurance pour 8 190,56 euros, le coût de la vérification de la comptabilité pour 26 790,40 euros, le coût de l’assistance du cabinet AGE pour 18 179,20 euros, ainsi que les frais et honoraires engagés dans le cadre des procédures judiciaires initiées par les mandants des sociétés Centrazur et France azur gestion pour 11 585,18 euros, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que l’assureur est tenu d’un devoir de bonne foi et de loyauté envers l’assuré ; qu’en retenant, pour débouter les sociétés Centrazur et France azur gestion de leur demande en paiement de la somme de 20 000 euros pour exécution déloyale du contrat d’assurance, qu’en attendant l’issue de la procédure pénale et le rapport d’expertise judiciaire et en contestant les prétentions des intéressées, l’assureur n’avait commis aucune faute dans l’exécution du contrat, sans rechercher si cette faute ne résultait pas de ce que l’assureur avait refusé d’intervenir dans les procédures initiées par elles, ce qui les avait contraintes à se défendre et à engager des frais de justice importants, quand bien même la garantie n’était pas contestée, et encore de ce qu’elle avait accepté sa garantie, mais refusé de la mettre en oeuvre, avait multiplié les difficultés, notamment dans le cadre de la procédure de référé initiée en soulevant l’incompétence du juge ou en sollicitant un sursis à statuer dilatoire, et en ne désignant un expert qu’après l’ordonnance de référé ce qui les avait obligées à missionner une société d’expertise pour les assister dans le chiffrage de leur préjudice et avait porté atteinte à leur image, entraînant une perte de clientèle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu, d’abord, que l’arrêt relève que le contrat d’assurance souscrit par les sociétés Centrazur et France azur gestion indique que la garantie s’applique aux conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l’assuré, en raison de dommages corporels, matériels ou immatériels causés aux tiers dans l’exercice des activités garanties par le contrat et retient à juste titre que, s’agissant d’une assurance de responsabilité, ne sont garantis que les dommages causés aux tiers, dont l’assuré est responsable et non les dommages subis par l’assuré, de sorte que les demandes formées par les sociétés Centrazur et France azur gestion au titre des frais qu’elles ont engagés en raison de la gestion fautive de leur salariée, tels que le surcoût d’assurance, les frais de vérification de la comptabilité et les frais et honoraires des conseils doivent être rejetées puisqu’elles ne se rapportent pas à des dommages causés aux tiers mais à des préjudices personnels des sociétés assurées ; qu’ensuite, ayant relevé, par motifs adoptés, qu’une partie de la réclamation formée au titre des détournements causés par la salariée n’entrait pas dans le champ de la garantie et écarté, par motifs propres, certains des postes de préjudices allégués par les sociétés Centrazur et France azur gestion, la cour d’appel a pu retenir que l’assureur pouvait légitimement discuter les demandes et qu’il n’avait pas commis de faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;… »
Même chose pour le second arrêt :
« …
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l’article 1134 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Hafner Septeuil, qui exerce une activité de fabrication industrielle de produits alimentaires, a souscrit auprès de la société Covéa Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles (l’assureur), un contrat d’assurance garantissant sa responsabilité civile professionnelle ; qu’à la suite de la révélation de plusieurs cas de fêlures de fonds de tarte qu’elle avait livrés, la société Hafner Septeuil a déclaré ce sinistre à son assureur et indiqué avoir dû procéder au retrait et à la destruction des pâtes en stock sur son site ; qu’elle a assigné ce dernier, qui lui avait refusé sa garantie ;
Attendu que, pour condamner l’assureur à payer à la société Hafner Septeuil la somme de 186 323,87 euros au titre de la garantie des dommages immatériels non consécutifs, l’arrêt retient que l’assurée est en droit d’obtenir l’indemnisation des frais immatériels non consécutifs avant livraison, définis comme des dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels non garantis par le contrat et correspondant aux coûts engagés pour opérer, avant livraison des produits défectueux, le triage, le stockage ainsi que la destruction de ces produits présentant un danger certain de dommage matériel pour les clients, tiers au sens de la police d’assurance ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la garantie de l’assureur n’était due que pour les seules conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l’assuré du fait des dommages causés à un tiers, et que les coûts exposés par l’assuré pour le retrait et la destruction des produits défectueux avant livraison ne constituent pas des dommages immatériels causés à un tiers au contrat d’assurance, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen unique :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles à payer à la société Hafner Septeuil la somme de 186 323,87 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2014, date de mise en demeure, au titre de la garantie des dommages immatériels non consécutifs, l’arrêt rendu le 8 février 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;… »