Une créance de réparations locatives ne peut pas être recouvrée par la procédure d’injonction de payer

Thomas Chinaglia

Dans la mesure où une créance réclamée au titre de dégradations locatives n’est pas déterminée en vertu des seules stipulations du contrat de bail, celle-ci ne peut être recouvrée par le biais d’une procédure d’injonction de payer.

Civ. 3ème, 27 mars 2025, n° 23-21.501

I –

En l’espèce, des locaux sont restitués par le bailleur lors de la sortie de son preneur. Lors de la restitution, le bailleur s’aperçoit que plusieurs désordres sont à constater, nécessitant la réalisation de réparations locatives. 

Le bailleur disposait d’une assurance spéciale garantissant les obligations locatives du preneur et avait ainsi reçu une indemnisation de la part de la compagnie d’assurances. Les réparations avaient donc été calculées par cette dernière et le montant du préjudice avait ainsi été déterminé.

La compagnie d’assurances, subrogeait dans les droits du bailleur, décidait de poursuivre le preneur par la voie de la procédure d’injonction de payer.

La Cour de cassation rejetait la demande de la compagnie d’assurance au motif que faute de démontrer le caractère contractuel de sa propre créance, la procédure d’injonction de payer entrepris par cette dernière ne pouvait qu’être déclarée inapplicable.

II –

II – 1. Le régime des réparations locatives

Les clauses d’un bail commercial peuvent permettre au bailleur de réclamer au preneur le paiement de certaines sommes devant couvrir la réalisation d’éventuelles réparations locatives.

En effet, l’article 1728 du Code civil dispose :

« Le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus. »

L’article 1754 du même code ajoute :

« Les réparations locatives ou de menu entretien dont le locataire est tenu, s’il n’y a clause contraire, sont celles désignées comme telles par l’usage des lieux, et, entre autres, les réparations à faire :

Aux âtres, contre-cœurs, chambranles et tablettes de cheminées ;

Au recrépiment du bas des murailles des appartements et autres lieux d’habitation à la hauteur d’un mètre ;

Aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu’il y en a seulement quelques-uns de cassés;

Aux vitres, à moins qu’elles ne soient cassées par la grêle ou autres accidents extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu ;

Aux portes, croisées, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures.»

Pèse donc sur le preneur l’obligation d’user de la chose louée de manière raisonnable en s’efforçant donc de causer certains dommages à ladite chose, sous peine de subir différentes sanctions, mais également l’obligation d’entretenir lesdits locaux.

A défaut pour le preneur de respecter ses obligations, les sommes dues à ce titre par le preneur correspondent à la réparation d’un préjudice pour le bailleur. A défaut d’accord entre les parties au contrat, ce préjudice doit être évalué par le juge à la date à laquelle il statue[1].

Ainsi, le juge qui constate l’existence de dégradations a l’obligation d’évaluer le montant du préjudice subi par le bailleur au titre des réparations locatives[2]. Et pour en réclamer le paiement auprès du preneur, il devra également justifier de la réalisation effective de ces travaux de remise en état[3].

Ainsi, si les réparations locatives doivent être déterminées en fonction des clauses du bail, selon qu’elles mettent à la charge du locataire tel ou tel type de travaux d’entretien, de réparation ou de remplacement ou selon qu’elles l’obligent à restituer les locaux en état d’usage, en bon état ou en parfait état, l’évaluation des réparations nécessaires, c’est-à-dire du préjudice du bailleur, doit être effectuée en fonction de toutes les constatations et circonstances de fait. Le montant lui-même n’est pas prévu dans le contrat.

II – 2. Les conditions d’application de la procédure d’injonction de payer

L’article 1405 du Code de procédure civile dispose :

« Le recouvrement d’une créance peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer lorsque :

1° La créance a une cause contractuelle ou résulte d’une obligation de caractère statutaire et s’élève à un montant déterminé ; en matière contractuelle, la détermination est faite en vertu des stipulations du contrat y compris, le cas échéant, la clause pénale ;

2° L’engagement résulte de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change, de la souscription d’un billet à ordre, de l’endossement ou de l’aval de l’un ou l’autre de ces titres ou de l’acceptation de la cession de créances conformément à la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises. »

La procédure d’injonction de payer s’applique à toute créance ayant une cause contractuelle sous condition que cette créance s’élève à un montant déterminé en vertu des stipulations du contrat sur lequel elle se fonde.

La Cour de cassation considère que tel n’est pas le cas de la créance sur laquelle se fondait la compagnie d’assurance pour réclamer le paiement de son indemnité. En effet, même si l’arrêt attaqué considérait que la demande de la compagnie d’assurances était basée sur une demande de paiement d’une créance déterminée, la Cour de cassation considère qu’une créance réclamée au titre de dégradations locatives n’est pas déterminée en vertu des seules stipulations du contrat de bail.

En effet, l’évaluation n’est pas prévue par le contrat lui-même et doit être réalisée a posteriori. Il est nécessaire de considérer que la créance du bailleur est une créance indemnitaire. Or, il a déjà été jugé qu’une demande en paiement de dommages et intérêts ne pouvait être soumise à la procédure d’injonction de payer, à défaut de clause contractuelle les fixant.


[1] Civ. 3e, 27 juin 2024, 3 arrêts, nos 22-10.298, 22-21.272 et 22-24.512

[2] Civ. 3e, 14 déc. 2023 n° 21-19.488

[3] Civ. 3ème, 27 juin 2024, n° 22-10.298 B

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