Une caution peut-elle se voir opposer la disproportion de l’engagement d’une autre caution et perdre de ce fait l’action récursoire qu’elle a à son encontre ?

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

SOURCE : Cass. CH.MIXTE., 27 févr. 2015, n° 13-13.709. Arrêt n° 2811 P + B + R +I

 

Préalablement aux commentaires que cet arrêt suscite, il convient de rappeler ce qu’est un cofidéjusseur et les actions dont bénéficie la caution à l’encontre de ce dernier.

 

Le cofidéjusseur est celui qui, pour garantir le paiement de la même dette d’un même débiteur, se porte caution solidairement ou non, avec d’autres personnes, tenus comme lui. Les cofidéjusseurs sont des coobligés accessoires.

 

L’article L.341-4 du Code de la Consommation dispose :« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

 

L’article 2310 du Code Civil énonce  que « Lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ;

Mais ce recours n’a lieu que lorsque la caution a payé dans l’un des cas énoncés en l’article précédent. »

 

Enfin, l’article 2314 du Code Civil précise : « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

 

Ces précisions rapportées, la Cour de Cassation est saisie pour la première fois de la question de la portée de l’article L.341-4 du Code de la Consommation en présence de cofidéjusseurs.

 

En l’espèce, une banque a consenti à une société divers prêts, dont son Gérant s’est porté caution et une caution s’est également porté caution de trois de ces quatre prêts.

 

Cette dernière a été déchargée de ses engagements à raison de la disproportion manifeste de son engagement de caution.

 

Suite à la défaillance de la société dans son obligation de remboursement, la banque a alors assigné en paiement le gérant-caution.

 

Ce dernier, se prévaut du bénéfice de subrogation de l’article 2314 du Code Civil, en reprochant à la banque de l’avoir privé du recours contre son cofidéjusseur.

 

Les juges du fond ne retiennent pas l’argumentation soutenue par le gérant-caution.

 

C’est ainsi que la Cour d’Appel d’Orléans dans un arrêt en date du 13 décembre 2012, condamne le gérant-caution à payer, en sa qualité de caution, les sommes dues par la société.

 

Le gérant-caution forme un pourvoi en cassation et fait grief à la Cour d’Appel d’avoir violé les dispositions des articles L.314-4 du Code de la Consommation, par refus d’application, et 2310 du Code Civil, par fausse application.

 

En d’autres termes, une caution peut elle se voir opposer la disproportion de l’engagement d’une autre caution et perdre de ce fait l’action récursoire qu’elle a à son encontre ?

 

La Chambre mixte de la Cour de Cassation répond par l’affirmative un effet erga omnes (opposable à tous) de la sanction prévue par l’article L.341-4 du Code de la Consommation.

 

En effet, la sanction prévue par l’article L.341-4 du Code précité prive le contrat de cautionnement d’effet à l’égard tant du créancier que des cofidéjusseurs.

 

Voilà le premier enseignement que nous livre la Cour de Cassation.

 

Selon la Haute Cour, il s’en déduit que le cofidéjusseur qui est recherché par le créancier et qui n’est pas fondé, à défaut de transmission d’un droit dont il aurait été privé, à revendiquer le bénéfice de l’article 2314 du Code Civil, ne peut ultérieurement agir, sur le fondement de l’article 2310 du même code, contre la caution qui a été déchargée en raison de la disproportion manifeste de son engagement.

 

Mais le Haute Cour va également nous fournir un second enseignement.

 

Que se passe t-il, dans l’hypothèse où le cofidéjusseur, dont l’engagement est quant à lui proportionné et qui de ce fait reste tenu au paiement, peut-il être libéré de son engagement en se prévalant à l’encontre du créancier du bénéfice de subrogation de l’article 2314 du Code Civil ?

 

Rappelons, que cet article permet à la caution de bénéficier de la subrogation, et d’être déchargée de son engagement lorsque le créancier a laissé perdre une sûreté ou un droit dont la caution aurait pu bénéficier dans le cadre de son recours subrogatoire.

 

La Cour de Cassation apporte une réponse négative et ce pour deux raisons :

 

       Le cautionnement disproportionné n’ayant jamais été effectif, la caution qui reste tenue de la dette n’a perdu aucun droit ;

       Le créancier n’a pas non plus perdu à proprement parler le bénéfice d’un contrat de cautionnement ou laisser perdre une sureté (comme le dit l’article 2314 du Code Civil), car en fait il n’en a jamais eu.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

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