SOURCE : Cass Crim, 02 septembre 2014 n° 13-80665 (F-P+B+I).
Une société dont l’activité était de fournir une aide spécialisée aux personnes âgées, dépendantes ou handicapées, employait des aides à domicile, lesquelles, selon un planning établi par l’employeur, effectuaient, durant leur journée de travail, différents déplacements pour se rendre chez les clients de la société où ils effectuaient leurs interventions.
Les services de l’inspection du travail effectuèrent des contrôles, l’un le 03 novembre 2010 et l’autre le 16 mars 2011, mettant en évidence que les heures de travail mentionnées sur les bulletins de paie des salariés correspondaient au temps de travail effectué au domicile des clients, mais ne tenaient pas compte du temps passé par les salariés à se déplacer du domicile d’un client à un autre.
La société, malgré l’invitation renouvelée de l’inspection du travail à prendre en compte et à rémunérer comme temps de travail effectif les temps de trajets proprement dits effectués par les salariés pour se rendre d’un lieu de travail à un autre, a refusé de s’y soumettre, considérant pour sa part qu’il s’agissait d’un temps de pause qu’il n’y avait pas lieu de rémunérer.
Par suite, la société, ainsi que son dirigeant furent poursuivis au titre du délit de travail dissimulé.
Si le Tribunal Correctionnel de PARIS les relaxait par un Jugement du 17 février 2012, la Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 08 janvier 2013, va considérer la société et son dirigeant coupables du délit de travail dissimulé, en se fondant sur les dispositions de l’article L.3121-1 du Code du Travail, aux termes duquel la durée du temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
La Cour d’Appel relevait en effet que le temps de déplacement professionnel entre le domicile d’un client et celui d’un autre client, au cours d’une même journée, constitue un temps de travail effectif et non un temps de pause, dès lors que les salariés ne sont pas soustraits, au cours de ces trajets, à l’autorité du chef d’entreprise et qu’en outre, l’intention coupable des prévenus se déduisait de leur refus persistant de se soumettre à la législation en vigueur, malgré deux rappels de l’inspection du travail.
Ensuite de cette décision, les prévenus se pourvoient en Cassation.
A l’appui de leur pourvoi, ils prétendent que les déplacements étaient payés à raison d’un euro par déplacement et que la plage de temps existant entre deux interventions constituait un temps de pause puisque les salariés de la société n’avaient aucun compte à leur rendre et ne se trouvaient pas à la disposition de leur employeur durant cette période, faisant en outre remarquer que les plannings étaient organisés par l’employeur en tenant compte des convenances des salariés et étaient espacés de plusieurs heures, ce qui permettait aux salariés de rentrer chez eux, de vaquer à leurs occupations personnelles et d’organiser leur emploi du temps à leur guise, sans avoir à rendre compte à leur employeur.
L’employeur basait son pourvoi sur les dispositions de l’article L.3121-4 du Code du Travail, lequel disposait, à l’époque, que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
L’employeur considérait donc que ce texte n’opèrerait aucune distinction selon la nature des déplacements professionnels.
Mais la Chambre Criminelle, dans l’Arrêt précité du 02 septembre 2014, ne va pas suivre les prévenus dans leur interprétation des textes.
Considérant au contraire que les dispositions de l’article L.3121-4 du Code du Travail ne sont pas applicables en l’espèce, la Cour de Cassation valide l’argumentation de la Cour d’Appel en ce qu’elle a considéré que le temps de déplacement professionnel entre le domicile d’un client et celui d’un autre au cours d’une même journée constitue un temps de travail effectif et non pas un temps de pause, dès lors que les salariés ne sont pas soustraits au cours de ces trajets à l’autorité du chef d’entreprise, de sorte qu’elle rejette le pourvoi formé, considérant les prévenus coupables du délit de travail dissimulé.
Cette décision de la Chambre Criminelle corrobore la position prise par la Chambre Sociale : les dispositions de l’article L3121-4 du Code du Travail ne sont applicables qu’aux situations où le salarié part ou arrive à son domicile.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats