Rupture brutale dans un contrat de gérance-mandat : quelles règles de responsabilité appliquer ?

Victoria GODEFROOD BERRA
Victoria GODEFROOD BERRA

Source : Cass. com., 2 oct. 2019, FS-P+B+R, n° 18-15.676

 

I – LES FAITS : UN LITIGE RELATIF A UN CONTRAT DE GERANCE

 

I – 1.

 

Le 26 avril 2010, la société IDF management (IDF), spécialisée en conseil pour les affaires et la gestion, a conclu avec la société Gifi Mag (GIFI), en vue de l’exploitation d’un magasin « Gifi », un contrat de gérance-mandat.

 

Le contrat prenait effet au 1er avril 2010 et était fixé pour une durée d’un an avec tacite reconduction

 

Le 14 janvier 2013, GIFI a informé IDF que le contrat ne serait pas renouvelé après le 31 mars 2013.

 

I – 2.

 

Réaction attendue d’IDF qui a assigné son cocontractant en septembre 2013 en paiement de dommages et intérêts au visa des articles :

 

L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (devenu L. 442-1, II du même code) qui sanctionne la brutale rupture de relation commerciale établie ; et

 

1382 du Code civil (devenu 1240 du même code) qui pose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».La demanderesse a également sollicité l’annulation de la clause de non-concurrence post-contractuelle et réparation du préjudice correspondant.

 

II – L’APPLICATION DU FONDEMENT DE LA BRUTALE RUPTURE DE RELATION COMMERCIALE ETABLIE AU CONTRAT DE GERANCE-MANDAT PAR LA CHAMBRE COMMERCIALE DE LA HAUTE COUR

 

II – 1. Rappel de la position de la Cour d’appel

 

II – 11.

 

Les juges d’appel ont conclu au rejet de la demande de dommages-intérêts fondée sur l’article 1382 du Code civil (devenu 1240 du même Code) présentée par IDF.

 

Concernant l’application des dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, la Cour d’appel juge qu’elles ne s’appliquent pas à la cessation des relations liant un gérant-mandataire et son mandant, mais que ces relations sont régies par les dispositions spéciales de l’article L. 146-4 du Code de commerce. Et de conclure sur ce point qu’au cas d’espèce, un préavis contractuel a été convenu entre IDF et GIFI en cas de non-renouvellement du contrat.

 

Au regard de cette décision, IDF a formé un pourvoi principal.

 

II – 12.

 

C’est l’accès à la demande de prononciation de la nullité de la clause de non-concurrence du contrat de gérance-mandat présentée par IDF et la condamner au paiement de dommages-intérêts d’e GIFI qui a motivé la formation par cette dernière d’un pourvoi incident qui ne fera pas l’objet du présent commentaire.

 

II – 2. Position de la Cour de cassation

 

Sur le cumul de l’application des articles L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (devenu L. 442-1, II du même code) et 1382 du Code civil (devenu 1240 du même code), la Chambre commerciale de la Haute juridiction a entendu rappeler que les premières dispositions étaient exclusives des secondes.

 

Par conséquent, et en l’absence de faute délictuelle distincte établie par IDF, la Cour de cassation a suivi le raisonnement de la Cour d’appel qui avait rejetée la demande fondée sur l’engagement de la responsabilité civile délictuelle de l’article 1240 du Code civil.

 

Sur l’exclusion de l’application de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce au profit de l’article

 

si le régime institué par les articles L. 146-1 et suivants du code de commerce prévoit, en son article L. 146-4, le paiement d’une indemnité minimale au profit des gérants-mandataires en cas de résiliation du contrat sans faute grave de leur part, il ne règle en aucune manière la durée du préavis à respecter, que le même texte laisse à la convenance des parties, ce dont il se déduit qu’ont vocation à s’appliquer les règles de responsabilité instituées par l’article L. 442-6, I, 5° du même code lorsque le préavis consenti est insuffisant au regard de la durée de la relation commerciale établie entre les parties et des autres circonstances, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

*****

 

Ainsi, en matière de contrat de gérance, ces sont les règles de responsabilité prévues par l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce qui ont vocation à s’appliquer dès lors que le préavis prévu par le contrat n’est pas raisonnable au regard de l’ancienneté de la relation commerciale établie.

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