Scandale de l’affaire dite « de la viande de cheval » : la mise en lumière d’une tromperie à l’échelle européenne

Victoria GODEFROOD BERRA
Victoria GODEFROOD BERRA

Source : Tribunal correctionnel de Paris, 16 avril 2019

 

I – SUR LES FAITS ET LA PROCEDURE DE L’AFFAIRE « DE LA VIANDE DE CHEVAL »

 

Le 15 janvier 2013, l’Autorité de sécurité alimentaire signale la présence de viande de cheval dans les plats préparés annoncés comme « pur bœuf ».

 

Le 7 février 2013, FINDUS FRANCE répercute la même alerte suite à ses autocontrôles toue en précisant le schéma de production-commercialisation des plats préparés vendus sous sa marque :

 

 

SPANGHERO (France)
=
Fournisseur de viande

 

 

COMIGEL (société-mère française)
TAVOLA (filiale luxembourgeoise)
=
Fabricant des plats préparés

 

 

FINDUS (France)
=
Distributeur des plats préparés

 

Début février 2013, la DGCCRF effectue des prélèvements chez SPANGHERO qui vont rapidement révéler la présence de viande de cheval et de viande mouton provenant du Royaume-Uni et interdite de commercialisation (depuis le scandale de la « vache folle »). L’enquête se poursuit sur le volet comptable et financier du dossier pour aboutir à la mise en lumière d’un circuit de commercialisation international de la viande litigieuse complétant ainsi le schéma ci-avant en amont :

 

 

DRAAP (Pays-Bas)
=
Achat de viande de cheval (Canada + Argentine)

 

 

WINDMEIJER (Pays-Bas)
=

1) Entrepôt de la viande
2) Modification des fiches palettes
3) Reconditionnement
4) Apposition d’une estampille

– disparition de l’espèce de la viande (cheval)
– disparition de son origine (Canada + Argentine -> Roumanie ou Belgique)

 

 

SPANGHERO (France)
=

1) Achat de la viande
2) Retrait des fiches palettes
3) Apposition (*) de :

– la mention « UE »
– nouvelle dénomination « avant de bœuf désossé congelé »

4) Fourniture de la viande litigieuse

(*) Aucune mention obligatoire de l’abattoir, pays de découpe, de naissance et d’élevage de l’animal

 

Conséquences de cette enquête : à l’échelle nationale, la DGCCRF a fait procéder au retrait de plus d’un millier de tonnes de marchandises expédiées dans l’UE et à l’échelle européenne, la Commission européenne a lancé une campagne de tests sur la viande présente dans les plats préparés dans l’ensemble des Etats membres afin d’en déterminer l’origine.

 

II – SUR LES DIVERGENCES DE CHEFS D’ACCUSATION ET LE JUGEMENT

 

Le juge d’instruction a retenu contre les sociétés précitées les délits de tromperie et d’escroquerie.

 

De son côté, le tribunal a précisé que les faits issus d’une action unique et indissociable caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu à une double déclaration de culpabilité.

 

Et de rappeler que :

 

Le délit de tromperie, prévu par le Code de la consommation, a pour objectif de protéger l’intérêt de l’ensemble des consommateurs ; et

 

Le délit d’escroquerie, prévu par le Code pénal, entend protéger un intérêt privé (un consommateur cocontractant).Pour le tribunal correctionnel, la loi spéciale prime sur la loi générale de sorte que seul le chef de tromperie est examiné, la relaxe ayant été accordée pour celui d’escroquerie. La juridiction rappelle en conséquence qu’en matière de fraude alimentaire, le Code de la consommation prévaut sur le Code pénal.Après démonstration de l’existence des éléments légal, matériel et intentionnel, la 31ème chambre correctionnelle du TGI de Paris a condamné à des peines allant du sursis à deux ans de prison ferme deux ex-dirigeants de SPANGHERO et deux intermédiaires néerlandais, savoir DRAAP et WINDMEIJER. Les prévenus ont également été condamnés à verser plusieurs dizaines de milliers d’euros aux parties civiles, parmi lesquelles figurent FINDUS FRANCE, PICARD, CARREFOUR, ED ou encore E. LECLERC.Aucun n’appel n’a été interjeté contre cette décision de sorte que celle-ci est définitive.

 

III – SUR LE RENFORCEMENT DES LEGISLATIONS NATIONALE ET EUROPENNE A L’ISSUE DE CE SCANDALE

 

III – 1. En France

 

Le législateur français a, par la loi di 23 mars 2014 relative à la consommation, relevé le montant de l’amende en cas de tromperie passant ainsi de 37 500 € à 300 000 € pour une personne physique[1].

 

Par ailleurs, dès lors que ce délit procure un avantage à son auteur, l’amende peut être proportionnée à hauteur de 10% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers exercices clos à compter de la date des faits.

 

L’article L. 454-3 du même code prévoit le délit d’escroquerie en bande organisée sanctionné par 7 ans de prison et 750 000 € d’amende.

 

Enfin, en application du décret du 19 août 2016, les produits transformés à base de lait et de viande doivent en indiquer l’origine sur l’étiquette (mesure expérimentale du 1er janvier 2017 au 31 mars 2020).

 

III – 2. Dans l’UE

 

Le législateur européen a entendu durcir les obligations des agents du secteur alimentaire en matière de traçabilité des produits.

 

Le Règlement du 13 décembre 2013 impose depuis le 1er avril 2015 l’indication de la mention du pays d’élevage et d’abattage sur l’étiquette de viande crue de porc, mouton, chèvre et volaille préemballée et vendue par les acteurs de la grande distribution et les boucheries. A défaut, une amende de 5ème classe pourra être prononcée.

 

Lancé en 2013 par la Commission européenne, le réseau européen de lutte contre la fraude alimentaire (réseau Food Fraud) permet aux États membres d’intervenir dans des domaines dans lesquels les autorités nationales sont confrontées à de possibles violations intentionnelles de la législation de la chaîne agroalimentaire de l’UE ayant un impact transfrontalier.

 

Le réseau européen de lutte contre la fraude alimentaire relie les organismes de liaison désignés par chaque État membre conformément aux règles énoncées dans le règlement sur les contrôles officiels et permet aux États-membres de coopérer en cas d’infraction transfrontalière à l’encontre de la sécurité alimentaire.

 

[1] Article L. 454-1 du Code de la consommation

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