Recouvrement des charges de copropriété : action limitée aux provisions exigibles et aux arriérés d’exercices approuvés

Laurine DURAND-FARINA

Si le syndicat des copropriétaires est recevable à agir sur le fondement de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 en paiement d’une provision due au titre de l’article 14-1 ou du I de l’article 14-2, des provisions non encore échues devenues exigibles, ainsi que des arriérés de charges des exercices précédents approuvés par l’assemblée générale, il ne l’est pas pour agir en paiement des sommes restant dues au titre d’exercices précédents, pour lesquels les comptes du syndicat n’ont pas encore été approuvés.


Cour de cassation, 20 novembre 2025, n° 23-23.315

I –

Un syndicat des copropriétaires a assigné des copropriétaires en paiement de provisions pour charges de services pour les exercices 2018 à 2021 sur le fondement de l’article 19-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.

II –

La Cour d’appel a déclaré recevable l’action du syndicat des copropriétaires et condamner les copropriétaires à lui payer une certaine somme au titre des charges impayées au 30 juin 2021.

Elle retient, par motifs adoptés, qu’il est sollicité paiement de diverses redevances de services facturées de l’année 2018 à l’année 2021 et qu’il ressort des procès-verbaux des assemblées générales du 26 juin 2019, du 22 janvier 2021 et du 29 juin 2021 que les budgets prévisionnels des services pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021 ont été adoptés.

Les copropriétaires ont formé un pourvoi en cassation et font grief à l’arrêt de déclarer recevable l’action du syndicat des copropriétaires et de les condamner à lui payer une certaine somme au titre de charges alors que la procédure de recouvrement accélérée n’est applicable qu’aux provisions dues pour l’année en cours et aux sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes

III –

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt.

Elle rappelle, qu’en vertu de l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965, pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d’administration des parties communes et équipements communs de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel. Les copropriétaires versent au syndicat des provisions égales au quart du budget voté. Toutefois, l’assemblée générale peut fixer des modalités différentes.

En outre, aux termes de l’article 14-2 I, ne sont pas comprises dans le budget prévisionnel les dépenses pour travaux dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat. Les sommes afférentes à ces dépenses sont exigibles selon les modalités votées par l’assemblée générale.

La Haute juridiction rappelle que l’article 19-2, à défaut du versement à sa date d’exigibilité d’une provision due au titre de l’article 14-1 ou du I de l’article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles.

Ainsi, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, après avoir constaté, selon le cas, l’approbation par l’assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles. Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l’article 14-2.

Enfin, selon l’article 45-1 du décret du 17 mars 1967, au sens et pour l’application des règles comptables du syndicat, sont nommées provisions sur charges les sommes versées ou à verser en attente du solde définitif qui résultera de l’approbation des comptes du syndicat. Les charges sont les dépenses incombant définitivement aux copropriétaires, chacun pour sa quote-part.

Il en résulte que si le syndicat des copropriétaires est recevable à agir sur le fondement de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 en paiement d’une provision due au titre de l’article 14-1 ou du I de l’article 14-2, des provisions non encore échues devenues exigibles, ainsi que des arriérés de charges des exercices précédents approuvés par l’assemblée générale, il ne l’est pas pour agir en paiement des sommes restant dues au titre d’exercices précédents, pour lesquels les comptes du syndicat n’ont pas encore été approuvés.

Par conséquent, la cour d’appel n’ayant recherché comme il le lui était demandé, si les comptes du syndicat des copropriétaires pour les exercices 2018 à 2020 avaient été approuvés, elle n’a pas donné de base légale à sa décision.

IV –

En conclusion, cet arrêt rappelle que le syndicat des copropriétaires est recevable à agir en paiement d’une provision due au titre de l’article 14-1 ou du I de l’article 14-2, des provisions non encore échues devenues exigibles, ainsi que des arriérés de charges des exercices précédents approuvés par l’assemblée générale, mais ne l’est pas pour réclamer des sommes restant dues au titre d’exercices dont les comptes n’ont pas encore été approuvés. Le simple vote d’un budget prévisionnel ne suffit donc pas à rendre immédiatement exigibles les charges d’exercices antérieurs non approuvés.

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