Rappel : La poursuite d’exploitation n’exclut pas la perte totale de la chose louée au sens de l’article 1722 c civ

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

SOURCE : 3ème civ, 7 février 2019, n°17-31.145, Inédit

 

La destruction par cas fortuit de locaux pris à bail commercial est régie par les dispositions de l’article 1722 du Code civil, qui distinguent la perte totale de la chose louée de la perte partielle :

 

« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement. »

 

S’il n’y a pas débat lorsque le sinistre affecte l’intégralité de l’assiette du bail et entrave totalement l’exploitation du fonds du preneur, les parties admettant que leur convention est résiliée de plein droit, la destruction d’une partie de l’assiette du bail est en revanche source de contentieux sur ses effets, la Cour de cassation ne déduisant pas la perte partielle de la simple subsistance de locaux indemnes.

 

La Haute juridiction estime en effet que la perte totale de la chose louée peut être économique ou juridique, et non pas seulement matérielle[1]. Elle déduit également la perte totale de l’impropriété à destination, même lorsque le preneur, qui ne souhaite pas la résiliation, parvient à poursuivre l’exploitation de son fonds dans une partie des locaux[2]. Dans cette hypothèse, le preneur subit la résiliation du bail sollicitée par le bailleur, sans indemnité.

 

La notion de perte partielle de la chose est donc une question de fait essentielle soumise à l’appréciation des juges du fond, qui entrainera soit la résiliation de plein droit du bail à compter du sinistre, soit une poursuite du bail jusqu’à la date de l’option exercée par le preneur.

 

C’est dans ce contexte que se présente l’affaire commentée, dans laquelle un incendie a dévasté une grande partie des locaux pris à bail par un loueur de véhicules. Compte tenu de cette activité, le preneur était parvenu à poursuivre partiellement son exploitation sur l’aire de stationnement des locaux pendant deux ans, ce qui avait conduit la Cour d’appel de Reims à admettre que la perte était partielle, « même si la station de lavage, un bureau, et une pièce attenante étaient endommagés »

 

Relevant que le preneur n’avait opté ni pour la résiliation du bail, ni pour une diminution de loyer, la Cour d’appel l’avait condamné au règlement des loyers et charges du bail.

 

Saisie d’un pourvoi du preneur, la Cour de cassation casse l’arrêt pour défaut de base légale en reprochant aux juges du fond d’avoir limité leur analyse à la simple poursuite d’activité du preneur sur les aires de stationnement, sans rechercher « si les dégâts provoqués par l’incendie avaient rendu le bien impropre à l’exploitation prévue au contrat de bail »

 

La Haute juridiction invite ainsi la Cour d’appel de renvoi à déterminer si la destruction des locaux n’entravait pas la poursuite de « l’exploitation d’une station service de location de véhicules et toute activité relative à l’automobile », destination du bail, ou si la perte de la chose louée était totale, libératoire du preneur.

 

[1] 3ème civ, 8 mars 2018, n° 17-11439, et notre article du 9 avril 2018 Notion de perte totale de la chose louée : rappel de la Cour de cassation sur l’application de l’article 1722 c civ http://vivaldi-chronos.com/immobilier/baux-commerciaux-immobilier/notion-de-perte-totale-de-la-chose-louee-rappel-de-la-cour-de-cassation-sur-l-application-de-l-article-1722-c-civ/

 

[2] 3ème civ, 19 mars 1997, 95-16.719, Publié au bulletin

Partager cet article
Vivaldi Avocats