Principe du contradictoire et conversion du redressement judiciaire en liquidation.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source : Com., 24 mai 2018, n° 16-27296 F-P+B+I

 

I – Le cas d’espèce.

 

Le Tribunal de commerce a ordonné le 5 avril 2011 la conversion en liquidation judiciaire d’une procédure de redressement judiciaire ouverte le 6 octobre 2009, la période d’observation ayant durée 18 mois.

 

Un recours est formé contre cette décision et la Cour d’appel de CAEN écarte le moyen de nullité de l’acte introductif d’instance et par conséquent du jugement rendu le 5 avril 2011 qui précise que l’administrateur judiciaire « demandait au tribunal de prononcer la liquidation judiciaire à l’issue de la période d’observation, devant l’impossibilité du redressement et devant l’importance des dettes relevant des dispositions de l’article L. 622-17 ».

 

Pour mémoire, l’article L622-17 du Code de commerce inscrit les créances privilégiées et leur ordre de paiement.

 

Autrement dit, l’administrateur démontrait que le redressement était impossible et sollicitait implicitement la conversion de la procédure en liquidation judiciaire.

 

II – L’enjeu de l’arrêt

 

C’est ici le point de débat. Il fallait en effet mettre en perspective cette demande implicite et considérer que le rapport formulait une demande de conversion du redressement.

 

Le jugement rendu par le Tribunal de commerce répondait à cette demande et par voie de conséquence, n’a pas d’office prononcé la liquidation judiciaire de la société excluant les dispositions de l’article R631-3 du Code de commerce.

 

Pour mémoire, cet article précise que :

 

Lorsque le tribunal exerce son pouvoir d’office et à moins que les parties intéressées n’aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, le tribunal fait convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à comparaître dans le délai qu’il fixe.

 

A la convocation est jointe une note dans laquelle sont exposés les faits de nature à motiver l’exercice par le tribunal de son pouvoir d’office.

 

Le greffier adresse copie de cette note au ministère public.

 

Force est de constater que la procédure mentionnée ci-dessus n’a pas été mise en œuvre.

 

C’est ce que rappelle la Cour d’appel « le Tribunal de commerce de Rouen n’a pas exercé d’office le pouvoir qui était le sien de prononcer la liquidation judiciaire de la société, mais a été saisi à cette fin par une demande de l’administrateur judiciaire, ce qui exclut l’application des dispositions de l’article R 631-3 précitées au cas d’espèce ».

 

III – L’intervention de la Cour de cassation.

 

Un pourvoi est alors formé.

 

La Cour de cassation cassera l’arrêt d’appel en précisant qu’« alors que la mention évoquant la liquidation faite par l’administrateur judiciaire dans son rapport ne constituait pas une demande de conversion du redressement en liquidation, de sorte que le tribunal s’était saisi d’office sans respecter les formes prévues par l’article R. 631-3 du code de commerce, la cour d’appel a violé les textes susvisés. ».[1]

 

Cet arrêt strict doit cependant être observé avec la plus grande bienveillance. En effet, la saisine d’office du Tribunal heurte potentiellement le respect du principe d’impartialité[2] de sorte que, quand bien même justifié par un motif d’intérêt général, la Cour impose une interprétation stricte du mode de saisine du tribunal pour que le principe du contradictoire soit pleinement respecté.

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi Avocats



[1] Voir aussi : Com. 1er mars 2016, n° 14-21.997

[2] Voir : Cons. const. 6 juin 2014, n° 2014-399 QPC

 

 

 

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