Source : Cass.Com., 8 janvier 2020, n° 18-20270, n°12 P+B
Une association sera placée en liquidation judiciaire. Dans le cadre de cette procédure, les actifs seront mis en vente après accord du juge-commissaire.
Une ancienne salariée fera une offre amiable de reprise des biens. Le juge-commissaire considérera son offre irrecevable au motif qu’elle a exercé la fonction de directrice de fait à l’appui des articles L642-20 renvoyant à L642-3 ainsi rédigé :
« Ni le débiteur, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d’acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement, ainsi que d’acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société.
Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le tribunal peut déroger à ces interdictions et autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa, à l’exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines. Dans les autres cas et sous réserve des mêmes exceptions, le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l’une des personnes visées au premier alinéa par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des contrôleurs.
Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci. »
Un pourvoi est alors formé.
La Cour de cassation rejettera le pourvoi en précisant :
« qu’il résulte de la combinaison des articles L. 642-20 et L. 642-3 du code de commerce que le dirigeant de fait de la personne morale débitrice mise en liquidation judiciaire ne peut acquérir les biens de celle-ci ; que l’arrêt relève, d’abord, que Mme N…, directrice salariée du lieu de vie et d’accueil de l’association, chargée de la gestion du personnel et de la gestion financière de l’association, s’est vue déléguer par le directeur, dirigeant de droit, le 27 juin 2014, l’ensemble de ses pouvoirs, c’est-à-dire ceux de le représenter légalement, de signer en son nom, de pratiquer, dans le cadre de sa mission, toute opération nécessaire à la bonne marche et à la gestion de l’établissement, notamment en matière bancaire, en matière d’emprunt et fiscale, de faire pratiquer toute intervention médicale ou chirurgicale et de prendre toute décision nécessaire à l’encadrement et à la protection des mineurs confiées à l’établissement ; qu’il relève, ensuite, qu’à la différence de Mme N…, le directeur de l’association n’était pas habituellement présent, et ce même lorsque l’association se heurtait à des difficultés sérieuses ou que son avenir était en jeu ; qu’il relève ainsi que le 12 mars 2015, le directeur ne s’est pas rendu au rendez-vous fixé par des représentants du conseil départemental afin d’évoquer des dysfonctionnements au sein de l’établissement géré par l’association, seule Mme N… s’étant rendue à cette convocation, que si le directeur a effectué la déclaration de cessation des paiements, il a été dans l’obligation d’attendre le retour de congé de Mme N… pour disposer de l’ensemble des éléments nécessaires à cette déclaration et qu’il a donné pouvoir à celle-ci et au trésorier pour le représenter à l’audience à l’issue de laquelle l’association a été mise en liquidation judiciaire ; que l’arrêt en déduit que Mme N… se trouvait investie de la totalité des prérogatives inhérentes à la gestion de l’association ; qu’il ajoute, d’un côté, que Mme N… a conclu, au nom de l’association, un prêt de 89 000 euros destiné à financer la construction de manèges sur des terrains loués par l’association et appartenant à une SCI dont Mme N… était la gérante associée, de l’autre, que cette dernière détenait à l’égard de l’association deux créances de 17 628 et 1 786 euros correspondant, selon l’intéressée, à des salaires non perçus dont elle n’entend pas demander le remboursement ; que l’arrêt retient que ces actes ne relèvent pas de ceux qu’accomplit un directeur salarié et en déduit que, conjugués aux autres éléments précités, ils caractérisent la gestion de fait de l’association par Mme N… qui en contrôlait effectivement et constamment la direction ; que par ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que Mme N… a exercé, en toute indépendance, une activité positive de gestion et de direction de l’association excédant ses fonctions de directrice salariée, la cour d’appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ».
Deux enseignements sont ici à retenir.
Tout d’abord, une application stricte des textes précités. Le dirigeant de fait de la personne morale mise en liquidation judiciaire ne peut acquérir les biens de celle-ci.
Le long raisonnement de la Cour de cassation nous amène au second point qui est la caractérisation de la qualification de dirigeant de fait.
Si pour qualifier une personne de dirigeant de fait cela suppose de montrer que la personne visée à accompli en toute indépendance une activité positive de gestion et de direction de la personne morale.
C’est donc une appréciation in conreto dont la preuve pourra être rapportée par tous moyens.