Le maître d’ouvrage peut engager la responsabilité contractuelle du fabricant d’un produit non conforme, intervenu en qualité d’intermédiaire, quand bien même celui-ci n’est pas lié au maître d’ouvrage par un contrat.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2022, 21-22.178
I –
Les faits sont les suivants :
Des maîtres d’ouvrage ont confié la construction de deux maisons à une entreprise.
Cette entreprise a notamment posé un plancher chauffant, fabriqué puis livré par deux autres sociétés, non contractuellement liées aux maîtres d’ouvrage.
Les maîtres d’ouvrage ont considéré que les travaux étaient affectés de malfaçons et de non-conformités et ont donc exigé l’arrêt de chantier.
Puis, ils ont assigné le constructeur, le fabricant et le fournisseur en référé expertise.
Le juge des référés a fait droit à leur demande.
Après dépôt du rapport, les maîtres d’ouvrage ont assigné le constructeur, le fabricant et le fournisseur au fond en vue de les voir condamnés in solidum à les indemniser au titre de leurs divers préjudices.
II –
En cause d’appel, les maîtres d’ouvrage sont déboutés d’une partie de leurs demandes.
La Cour déclare en effet irrecevable l’action des maîtres d’ouvrage contre le fabricant et le fournisseur au motif que ces derniers ne sont pas liés contractuellement aux maîtres d’ouvrage.
III –
Les maîtres d’ouvrage ont formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation a partiellement cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel.
S’agissant plus particulièrement de la recevabilité de l’action des maîtres d’ouvrage contre le fournisseur et contre le fabricant, la Cour énonce :
« Vu l’article 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
En application de ce texte, le maître de l’ouvrage, qui jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur, dispose contre le fournisseur et le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée.
Pour rejeter les demandes en réparation de M. et Mme [H] formées contre les sociétés MBM et Rector Lesage, respectivement, fournisseur et fabricant du plancher livré, non conforme aux stipulations contractuelles, l’arrêt retient qu’en l’absence de relation contractuelle directe entre M. et Mme [H] et les deux sociétés en cause, seul le locateur d’ouvrage doit être condamné à réparation.
En statuant ainsi, après avoir constaté que la non-conformité du plancher posé par la société P.M Gomes, fourni par la société MBM et fabriqué par la société Rector Lesage était plus particulièrement à l’origine de l’arrêt du chantier, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
IV –
Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence ancienne et constante.
La Cour de cassation a en effet consacré, à partir de 1968, une application croissante des articles 1382 et suivants du Code civil dans le droit de la construction et l’avait appliqué dans le cadre des relations entre maître de l’ouvrage et fabricant de matériaux.
L’assemblée plénière le 7 février 1986 a proclamé le principe du caractère contractuel de l’action :
« Le maître d’ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur ; il dispose donc à cet effet contre le fabricant d’une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée » (Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 7 février 1986, 84-15.189).
Cette règle connaît des limites tenant à la qualification du contrat.
Ainsi, le maître d’ouvrage ne peut pas rechercher la responsabilité contractuelle de celui qu’il désigne comme le fabricant ou fournisseur si celui-ci lié à l’entreprise principale par un contrat de sous-traitance (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 18 novembre 1992, 91-10.190).
Les relations demeurent quasi délictuelles entre fabricant et locateur d’ouvrage non liés contractuellement entre eux (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 30 janvier 1991, 89-18.147 89-18.252).