Harcèlement : les limites de la pression légitime

Franck MAES
Franck MAES

 

Une conférence petit-déjeuner a eu lieu le 30 janvier dernier chez VIVALDI – AVOCATS sur le thème harcèlement / organisation d’entreprise. Elle faisait suite à celle de juin 2013 sur les compétences et rémunérations et celle de septembre 2013 sur les mutations liées au numérique (TIC, travail collaboratif, réseaux…).

 

Animée par Franck MAES, consultant en stratégie & management (enseignant au groupe EDHEC), et Christine MARTIN, avocate associée, elle a permis d’aborder 3 axes :

 

1 – Organisation et risques de harcèlement

 

2 – Façons de manager et santé au travail

 

3 – Éléments juridiques et jurisprudentiels

 

Le harcèlement peut être envisagé sous plusieurs angles (économique, discriminatoire, pervers, managérial et organisationnel) L’angle d’étude de cette conférence était le harcèlement managérial ou lié à une organisation « toxique », sachant que la frontière est perméable avec les autres.

 

L’approche présentée est partie des deux limites au-delà desquelles la pression n’est plus légitime :

 

 

On ne peut exiger plus que ce qui est dû par le salarié aux termes du contrat de travail et de ce qui le complète valablement,

 

Il y a la façon dont le travail est demandé (ou contrôlé) et les moyens affectés.

 

Ces limites posent le problème de la mise à jour des écrits concernant le travail à réaliser, en cohérence avec les attributions concrètes qui résultent de l’organisation réelle.

 

L’organisation réelle est généralement un peu différente de l’organisation voulue explicitement, et divers usages tacites (arrangements, routines…) parfois non conformes peuvent impacter les affectations et attributions des personnes et des équipes.

 

De plus l’organisation hiérarchisée traditionnelle perd sa prédominance au profit du travail dit « collaboratif » du fait de l’utilisation des outils de travail issus des NTIC  (plates-formes de gestion de documents, agendas partagés, messageries, partages de logiciels, réseaux sociaux, wiki) qui contribuent à modifier les façons de travailler.

 

Il peut y avoir harcèlement quand la charge de travail réelle excède ce qui est « normalement dû » et / ou que les méthodes de gestion génèrent des contraintes abusives.

 

Concernant les façons de manager et la santé, il a été rappelé que l’obligation de sécurité de résultat dont l’employeur est tenu en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail a été étendue au harcèlement (depuis un arrêt de la cour de cassation du 21 juin 2006).

 

La conséquence est que l’absence de faute de la part de l’employeur ne peut l’exonérer de sa responsabilité. Celle-ci est engagée dès qu’un salarié est victime de harcèlement sur son lieu de travail, ceci quelle que soit sa réaction face à la situation.

 

Par ailleurs l’augmentation de l’intensité du travail, qui peut être justifiée pour des raisons économiques, doit cependant être estimée et clarifiée afin de respecter cette obligation.

 

Pour aider à prévenir les risques (et faire que tout le travail soit bien réalisé) Franck Maes et Christine Martin préconisent de conjuguer management et droit. Une méthode permet d’améliorer la cohérence entre organisation et écrits concernant le travail à réaliser, en :

 

Estimant cette cohérence : les écrits sont-ils clairs quant aux comportements utiles, et à jour par rapport aux changements (TIC, refonte de processus…) ?

 

Renforçant et / ou créant les écrits qui doivent l’être, et ainsi réduire les ambiguïtés et les contraintes.

 

Concernant la jurisprudence, plusieurs décisions de la Cour ade Cassation ont considéré que les mesures, invoquées par des salariés comme constitutives de harcèlement, avaient été en réalité prises par l’employeur pour des motifs relevant de la situation économique de l’entreprise et la nécessité de sa réorganisation, et ne pouvaient donc constituer un harcèlement.

 

Enfin, il y a des signes encourageants pour les employeurs : de récentes évolutions permettent (dans une certaine mesure) d’expliciter certaines attentes de comportements et donc de diminuer les risques de reproche de harcèlement (par exemple, il devient envisageable d’évaluer les compétences des salariés en termes de clairvoyance et d’imagination…)

 

De nouveaux petits déjeuners conférences vous seront proposés par le club Vivaldi au cours de cette année 2014, les prochains thèmes envisagés : approfondir les « chartes éthiques » et les remontées d’informations (pour prévenir le harcèlement) et la question des lanceurs d’alerte, et de leur immunité.

 

N’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions !

 

Franck MAES          Christine MARTIN

                                          

 

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