Source : Cass. 3e civ. 9 juillet 2014 n° 13-14.802 (n° 995 FS-PBI), OPH de Gennevilliers c/ H.
L’Office public d’habitation à loyer modéré de Gennevilliers, invoquant les manquements de Mme H. et des occupants de son chef à l’obligation d’user paisiblement de la chose louée, a assigné la locataire en résiliation du bail du 5 octobre 2005 et en expulsion de tous occupants du logement.
Le trouble reproché par le bailleur consistait en des tentatives de coups et insultes adressées, le 15 juillet 2001, par la fille de la locataire, Madame H., au gardien de l’immeuble et les coups portés à ce dernier par l’ami de celle ci, appelé en renfort.
Constatant l’existence de ces faits, le tribunal d’instance a prononcé la résiliation du bail et ordonné l’expulsion.
Cette expulsion sera exécutée dès le 7 août 2012 et ce malgré l’appel interjeté par la locataire de sorte qu’il ne fait nul doute que ce jugement était assorti de l’exécution provisoire.
Postérieurement à cette expulsion mais avant que la Cour ne statue, une agression sera commise le 30 août 2012 contre une locataire du premier étage par les enfants de Mme H. alors qu’ils accompagnaient celle ci venue rechercher des effets personnels.
Le bailleur a donc invoqué, en cause d’appel au titre des manquements commis par la locataire et les occupants de son chef à leurs obligations contractuelles, les faits commis le 15 juillet 2001 mais également ceux commis postérieurement à la mesure d’expulsion.
Pour infirmer le jugement, la Cour refusera de prendre en considération les faits intervenus postérieurement à la l’expulsion, retenant que pendant l’année suivant les faits d’agression du 15 juillet 2011, constitutifs d’un manquement grave mais non renouvelé à l’obligation de jouissance paisible des lieux et jusqu’à l’expulsion, aucun autre trouble n’a été reproché à la locataire et que les autres faits constitutifs d’agressions qui auraient été commis par les enfants de Mme H. se sont déroulés dans des immeubles relativement éloignés.
Par cet arrêt du 9 juillet 2014, la Cour de cassation censure la Cour d’appel considérant :
« Qu’en statuant ainsi, alors que le bailleur, tenu d’une obligation d’assurer la jouissance paisible des autres locataires, invoquait l’agression commise le 30 août 2012 contre une locataire de l’immeuble par les enfants de Mme H., en présence de celle ci, la cour d’appel, qui n’a pas recherché, comme il lui était demandé, si la répétition de faits de même nature que ceux dénoncés dans l’assignation ne rendait pas impossible le maintien des liens contractuels, n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Si cette solution peut être juridiquement justifiée, elle demeure critiquable.
S’il est exact que le jugement pouvait être exécuté pour être assorti de l’exécution provisoire, l’exécution de l’expulsion revient, de facto, à priver le locataire de l’usage des lieux pris à bail et ce alors même que la décision prononçant la résiliation du bail n’est pas définitive pour avoir fait l’objet d’un appel.
Consécutivement, il apparaît illogique d’accepter que le bailleur considère d’une part, le bail résilié de sorte que l’expulsion peut être immédiatement mise à exécution et, d’autre part, le bail en cours d’exécution de sorte que le locataire est toujours contraint d’en respecter les obligations et ce même si, à nouveau, cette situation ubuesque est juridiquement justifiée.
Il est donc préférable tant pour le preneur que pour le bailleur et afin d’éviter toute difficulté, ne serait-ce que de réintégration du locataire en cas d’infirmation du jugement prononçant la résiliation judiciaire du bail, d’user de l’exécution provisoire s’agissant uniquement des condamnations à paiement d’une éventuelle dette locative puis, dès la résiliation du bail confirmée en cause d’appel, de procéder à l’expulsion effective de celui qui sera devenu définitivement un occupant sans droit ni titre.
Delphine VISSOL
Vivaldi-Avocats