Droit au respect de la vie privé des salariés et messagerie personnelle ; quand la déloyauté du salarié coûte cher à un employeur de bonne foi.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 23 octobre 2019, n° 17-28448

 

Lors d’une période d’arrêt maladie, l’employeur sollicite de sa secrétaire qu’elle transmette le code d’accès de son ordinateur professionnel afin d’accéder aux informations nécessaires à l’accomplissement de plusieurs tâches.

 

Si dans un premier temps, la salariée a refusé, l’employeur a finalement eu accès 15 jours plus tard.

 

Après avoir accédé à une application de messagerie personnelle de la salariée, l’employeur a constaté de nombreuses fautes commises par la salariée.

 

En effet, cette dernière avait adressé en autre à l’une de ses collègues via un système de messagerie privée sur son ordinateur professionnel :

 

Les attestations ASSEDIC et les certificats de travail de plusieurs salariés de l’entreprise ;

 

Les fiches de paie des mois de juin ;

 

Des soldes de tout compte ;

 

Le curriculum vitae d’une candidate.

 

Le comportement de la salariée, se répétant régulièrement par la transmission à sa collègue d’informations strictement professionnelles et confidentielles en l’absence totale de lien avec ses attributions professionnelles et l’exécution de ses tâches.

 

Une protection de la vie personnelle du salarié, indépendamment de son niveau de déloyauté.

 

La salariée a été mise à pied à titre conservatoire avant d’être licenciée pour faute grave, sur le seul fondement du contenu de cette messagerie.

 

Pour l’infirmation du jugement, la salariée soutient que la correspondance échangée avec sa collègue (également licenciée pour faute grave), à partir de la messagerie installée sur son ordinateur professionnel, a un caractère privé, que donc l’employeur ne pouvait valablement en prendre connaissance et encore moins l’exploiter aux fins d’exercer son pouvoir disciplinaire à son encontre, qu’un tel moyen de preuve de la faute reprochée n’est pas recevable et qu’en conséquence son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

 

L’employeur soutenait quant à lui devant la cour d’appel qu’il n’y avait pas eu atteinte à la vie privée de la salariée dans la mesure où cette dernière avait donné le code d’accès et qu’il possède un droit de regard sur les courriels échangés par les salariés durant leurs heures de travail.

 

Dès lors, l’employeur estime que c’est de manière tout à fait licite et sans aucune violation du secret de la correspondance qu’il a été amené à être au courant du contenu desdits mails constituant un dénigrement de l’entreprise et un vol de données confidentielles, justifiant un licenciement pour faute grave.

 

La cour d’appel de Paris a considéré qu’à l’évidence un tel compte de messagerie est personnel et distinct de la messagerie professionnelle, sans qu’il soit besoin d’une mention “personnel” ou encore “conversation personnelle”. En conséquence, l’employeur a violé le secret des correspondances et ne peut en faire état en justice à l’appui d’un licenciement lequel, en conséquence et en l’absence de griefs externes à cette messagerie, est abusif.

 

La Chambre sociale de la Cour de cassation épouse la thèse des juges du fond, étant donné que, les messages électroniques, échangés au moyen d’une messagerie instantanée, provenaient d’une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité, la cour d’appel en a exactement déduit qu’ils étaient couverts par le secret des correspondances

 

Cette décision s’inscrit dans la droite lignée de la position de la Cour de cassation en matière de protection de la vie personnelle du salarié sur son lieu de travail[1].

 

L’employeur dispose d’éléments et de moyens pour empêcher la fuite de données à caractères professionnels et confidentiels. L’employeur paye ici le manque de sécurité informatique.

 

[1] Cass. Soc. 26 janvier 2016, n° 14-15360 et Cass. Soc. 7 avril 2016, n°14-27949.

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