Dirigeant de SARL : caractérisation de la confusion de patrimoine entre la SARL et son gérant.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass.com., 1er octobre 2013, Arrêt n° 888 F-D (n° Y 12-24.817).

 

 

Dans cette espèce, la gérante d’une SARL ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de papier, était propriétaire du moulin où s’exercer l’activité de la société et avait par suite consenti à la société deux baux commerciaux, lui conférant ainsi la jouissance des immeubles dont elle était propriétaire.

 

La gérante abandonnait ensuite ses fonctions au profit de sa fille, laquelle s’est retrouvée dans l’obligation de placer la société sous le régime des procédures collectives.

 

A la suite du prononcé de la liquidation judiciaire de la société, le liquidateur de la SARL faisait assigner l’ancienne gérante par-devant le Tribunal de Commerce de BERGERAC, aux fins de lui voir étendre la procédure de liquidation judiciaire ouverte contre la société.

 

Par un Jugement du 11 mars 2011, le Tribunal de Commerce de BERGERAC, accueillant la demande du liquidateur, étendait à l’ancienne gérante la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la SARL.

 

L’ancienne gérante ayant interjeté appel, elle demanda à la Cour d’Appel de BORDEAUX d’infirmer le Jugement rendu au motif qu’il ne rapportait pas la preuve d’une confusion des patrimoines entre la SARL et le sien.

 

Toutefois, la Cour d’Appel de BORDEAUX, dans un Arrêt du 11 juin 2012, relevant que l’ancienne gérante avait laissé la SARL locataire bénéficier des locaux où elle exploitait son activité, sans recevoir en contrepartie les loyers contractuellement dus, que l’importance des travaux réalisés dans les lieux loués et supportés par la SARL locataire excédait la notion même de travaux afférents à un bail commercial, qu’enfin, malgré l’importance des loyers impayés, l’ancienne gérante bailleur n’avait formulé aucune réclamation à l’encontre de sa locataire et n’avait nullement sollicité la résiliation du bail, que ce mode de fonctionnement avait en conséquence permis à l’entreprise de continuer à fonctionner sans faire face à l’ensemble de ses charges et qu’il était donc manifeste que l’ancienne gérante ne faisait pas la différence entre son patrimoine et celui de la société dont elle avait été la gérante.

 

Par suite, la Cour d’Appel de BORDEAUX confirme la décision des premiers Juges et l’ancienne gérante se pourvoit en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, elle fait grief à la Cour d’Appel d’avoir prononcé la confusion des patrimoines, alors que l’abstention, même prolongée d’un bailleur à réclamer au preneur le paiement des loyers n’est pas suffisante à caractériser l’existence de relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoine, qu’en outre la réalisation par le preneur dans les locaux loués de travaux exécutés en application d’une clause licite du bail commercial ne pouvait suffire à caractériser des relations financières anormales avec le bailleur qui seraient constitutives d’une confusion de patrimoine, nonobstant l’importance des travaux réalisés dans les lieux loués.

 

Mais la Haute Cour, dans l’Arrêt du 1er octobre 2013, va rejeter le pourvoi introduit par l’ancienne gérante.

 

Retenant que la Cour d’Appel ne s’était pas bornée à relever le défaut de paiement des loyers de la SARL, mais avait également relevé que le loyer était, selon une attestation d’un agent immobilier, inférieur de moitié à la valeur locative des biens loués, que le loyer n’avait pas été réclamé pendant plusieurs années et qu’aucune quittance n’avait été produite, ni aucune demande de résiliation présentée, qu’en outre la SARL avait effectué dans les lieux, en en supportant le coût, d’importants travaux excédant la notion même de travaux afférents à un bail commercial, ces travaux restant en fin de bail la propriété de la bailleresse, sans indemnité en vertu d’une clause d’accession, de sorte que l’ensemble de ces éléments était propre à établir que l’ancienne gérante ne faisait pas la différence entre son patrimoine et celui de la SARL dont elle avait été la gérante.

 

Par suite, la Cour de Cassation rejette le pourvoi.

 

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

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