Source : Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 4, 22 mai 2019, RG n° 17/05279
I – LES FAITS
En franchise depuis environ 20 ans, un franchisé réclame la nullité de ses contrats et la réparation de son préjudice au motif que l’obligation qui lui a été faite, par un avenant de 2012, de « mettre l’intégralité de son fichier clients à disposition du franchiseur » a permis à celui-ci d’en tirer un avantage considérable dépourvu de toute contrepartie, lui ayant causé un préjudice important.
En outre, ce franchisé considère que les conditions imposées dans la mise en œuvre de la plate-forme internet du réseau constituent déséquilibre significatif au sens de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce (devenu L. 442-1 du même code).
Une action est donc introduite en justice par le franchisé contre son franchiseur.
II – LA POSITION DE LA COUR D’APPEL DE PARIS
II – 1. Rappel sur la règle de droit : prohibition du déséquilibre significatif
A les dispositions applicables à l’époque des faits sont celles de l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce qui prévoient que :
« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
(…)
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Le droit prétorien analyse cette pratique au regard de l’ensemble du contrat liant les parties, c’est-à-dire dans sa globalité et non clause par clause.
II – 2. Le cas d’espèce
Les juges du second degré se fondent sur le contrat de franchise et relèvent d’abord que la base de données « reste attachée au fonds de commerce du franchisé ».
En outre, il « existe bien des contreparties réelles et sérieuses » à sa mise à disposition « temporaire », dans « l’exploitation des coordonnées des clients, soit à des fins de fidélisation de ces derniers, soit à des fins marketing, pour accroître le volume de vente des membres du réseau ».
La Cour ajoute que le franchiseur ne s’est pas approprié la clientèle de son franchisé notamment en raison du fait que le chiffre d’affaires réalisé par son site internet sur les quatre villes (boutiques sous franchise) concernées ne s’élevé en 2015 qu’à 17 800 €, soit 1 % seulement du chiffre d’affaires réalisé par la société du franchisé dans ses points de vente en 2011.
Sur le second grief soulevé par le franchisé, savoir lorsque le consommateur opte pour une réservation en ligne du produit dans son magasin, certes sa marge de 50 % est alors préservée, mais le procédé comporte deux inconvénients majeurs :
1. le client est « hésitant et dispose de trois jours pour acheter effectivement l’article réservé » ; et
2. l’exploitant doit « supporter les frais afférents au stock » dont il doit disposer pour ce type de ventes.
Argument non recevable pour les juges qui n’y voient aucun déséquilibre puisque « l’existence d’un stock suffisant étant indispensable dans la distribution », les frais supplémentaires ne sont par ailleurs, à leurs yeux, pas prouvés.
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La Cour d’appel de Paris juge donc que les dispositions du contrat de franchise ne souffrent d’aucun déséquilibre significatif de sorte que le franchisé n’aurait pas subi de préjudice. La demande de nullité du contrat est donc rejetée.