Opérations bancaires non autorisées : le délai de treize mois ne limite que le signalement, pas l’action en justice
L’article L. 133-24 du code monétaire et financier fixe à treize mois le délai pour que le client signale à son prestataire de services de paiement une opération non autorisée ou mal exécutée. Ce délai ne concerne que la notification à la banque et ne constitue pas un délai pour agir en justice. Ainsi, le client qui a régulièrement informé sa banque dans ce délai conserve la possibilité d’assigner l’établissement bancaire en paiement selon le délai de prescription de droit commun prévu à l’article 2224 du code civil, soit cinq ans à compter de la découverte du fait dommageable. Cette solution, confirmée par la jurisprudence, distingue clairement entre la déclaration des irrégularités et l’action en responsabilité ou en remboursement, renforçant la protection du client face aux opérations de paiement frauduleuses ou mal exécutées. Com. 2 juillet 2025, n° 24-16.590 I - L’arrêt rendu le 2 juillet 2025 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, promis à une publication au Bulletin, apporte une clarification attendue sur le régime applicable aux opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées. En…
Action paulienne : la Cour de cassation précise à nouveau l’exigence d’une créance certaine en son principe
Par un arrêt rendu le 26 juin 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence désormais bien établie concernant les conditions d’exercice de l’action paulienne prévue à l’article 1341-2 du Code civil. Cette action, ouverte au créancier, lui permet de faire déclarer inopposables les actes accomplis par son débiteur en fraude de ses droits et ayant pour effet d’appauvrir son patrimoine. Parmi ses conditions classiques figure l’exigence d’une créance certaine, au moins en son principe, sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit liquide ou exigible au moment de l’action. Civ. 3ème, 26 juin 2025, n° 23-21.775 I - Le 26 juin 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un nouvel arrêt confirmant sa jurisprudence sur la condition d’une créance certaine, au moins en son principe, exigée pour la recevabilité de l’action paulienne. L’affaire concernait des acquéreurs qui, après avoir constaté des désordres dans l’immeuble acheté, ont engagé une action en responsabilité contre les vendeurs. Ces derniers avaient entre-temps procédé à plusieurs opérations patrimoniales suspectes : donations de parts…
Secret des affaires : quand le silence vaut renonciation à la protection
Selon l’article R. 153-1, alinéas 1 et 2, du code de commerce, si le juge ordonne un séquestre provisoire des pièces pour protéger le secret des affaires, le saisi doit formuler une demande de modification ou de rétractation dans un délai d’un mois. À défaut, il perd la possibilité d’invoquer cette protection pour s’opposer à la levée du séquestre et à la communication des pièces au requérant. Com. 14 mai 2025, n° 23-23.897 I - En l’espèce, une société soupçonne une concurrente, fondée par ses anciens employés, d’actes de concurrence déloyale. Elle obtient du président du Tribunal de commerce de Bordeaux une ordonnance autorisant la saisie de documents, lesquels doivent être conservés sous séquestre par un commissaire de justice. Après plus d’un mois sans demande de rétractation de la part de la société saisie, le requérant demande la remise des documents saisis. La société saisie s’oppose, invoquant la protection du secret des affaires. Le juge du fond, confirmé en appel, ordonne finalement la levée du séquestre et la remise des documents au requérant, au regard de l’article R. 153-1 du…
Examen d’office des clauses abusives même en phase d’exécution ou de procédure collective
Dans un arrêt du 12 juin 2025, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que le juge doit examiner d’office les clauses abusives d’un contrat, même si cet examen n’a pas été fait auparavant. Cette obligation s’applique notamment au stade de l’exécution forcée du contrat ou lors de l’admission au passif dans une procédure collective. Civ. 2ème, 12 juin 2025, n° 22-22.946 I - En l’espèce, un particulier avait souscrit un prêt immobilier libellé en francs suisses auprès d’une banque, garantie par une hypothèque. Par suite d’un défaut de paiement, la banque a engagé une saisie immobilière pour réaliser l’hypothèque et recouvrer sa créance. Plus tard, l’emprunteur a été placé en liquidation judiciaire. Contestant certaines clauses du contrat de prêt, qu’il considérait comme abusives au regard de la directive européenne 93/13/CEE et des dispositions du code de la consommation français, l’emprunteur a demandé leur annulation. Un premier jugement, rendu en décembre 2019, a déclaré ces demandes prescrites, et cette décision est devenue définitive faute d’appel. Parallèlement, lors de la procédure collective, la banque a vu sa…
Le bailleur reste tenu d’assurer la jouissance paisible des lieux loués, même en présence de désordres relevant de la copropriété
Le bailleur est tenu de garantir au locataire la jouissance paisible des locaux loués et d’en assurer l’entretien. Il ne peut s’en exonérer qu’en cas de force majeure. En présence de désordres affectant les lieux loués, il lui incombe soit d’effectuer lui-même les travaux nécessaires, soit d’avancer au locataire les sommes permettant leur réalisation. Le fait d’avoir saisi le syndicat de copropriété ne suffit pas à le dégager de sa responsabilité. Le locataire est en droit d’obtenir une indemnisation intégrale du préjudice subi. Civ. 3ème, 19 juin 2025, n° 23-18.853 I - En l’espèce, à la suite de désordres affectant les faux plafonds situés dans les locaux loués, désordres provenant des parties communes de l’immeuble, la Cour de cassation rappelle que le bailleur, informé de la situation, demeure tenu de remédier aux troubles affectant la chose louée. La bailleresse ne pouvait se retrancher derrière l’origine commune des désordres pour s’exonérer de ses obligations. À défaut d’exécuter elle-même les travaux de reprise, elle devait en assumer la charge financière et avancer à la locataire les sommes nécessaires à leur réalisation.…
Les conditions dans lesquelles le bailleur peut se prévaloir de la résiliation du bail commercial lorsque la liquidation judiciaire de ce dernier est ouverte après la résolution de son plan de redressement
Lorsque la liquidation judiciaire d’un locataire est ouverte juste après la résolution de son plan de redressement, le bail commercial ne peut pas être résilié pour des loyers impayés postérieurs au jugement d’ouverture du redressement. Toutefois, si une décision constatant ou prononçant la résiliation du bail a acquis force de chose jugée avant l’ouverture de cette nouvelle procédure, le bailleur peut s’en prévaloir. À défaut, le bail reste en vigueur et peut être transféré dans le cadre d’un plan de cession. Com. 12 juin 2025, n° 23-22.076 I - En l’espèce, une entreprise locataire de locaux commerciaux a été placée en redressement judiciaire en octobre 2019 après avoir reçu un commandement de payer pour loyers impayés. Malgré cette procédure, les impayés ont continué, et le bailleur a demandé la résiliation du bail auprès du juge-commissaire, qui l’a refusée. Le bailleur a formé opposition et obtenu gain de cause en janvier 2022, avec une décision assortie de l’exécution provisoire. L’expulsion du preneur a donc été prononcée en référé. Parallèlement, un plan de redressement par continuation avait été arrêté en février 2021.…
Le preneur d’un bail commercial est-il toujours préféré en cas de vente de l’immeuble loué ?
La Haute Juridiction a affirmé le principe selon lequel le preneur à bail commercial ne peut bénéficier de son droit de préférence accordé à l’article L.145-46-1 du Code de commerce lorsque la vente de l’immeuble loué objet du bail commercial s’inscrit dans le cadre d’une cession globale d’un immeuble comprenant un seul local commercial. Civ. 3ème, 19 juin 2025, n° 23-17.604 I - Le principe est posé à l’article L.145-46-1 du Code de commerce, en cas de vente du local loué par le bailleur, le preneur à bail a un droit de préférence en vue d’acquérir ledit local commercial. Néanmoins, ce principe connait plusieurs exceptions et notamment en cas de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux. En l’espèce, le propriétaire avait vendu l’ensemble immobilier, dans lequel il n’y avait qu’un seul locataire commerçant. Ce dernier soutenait au soutien de ses intérêts que le principe de la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ne pouvait s’appliquer lorsqu’il n’y avait qu’un seul local commercial au sein dudit immeuble. Cependant, la Cour de cassation affirme clairement que le droit…
A quel moment le devoir d’information annuelle due à la caution par le créancier doit-il s’achever ?
Est posé le principe selon lequel le devoir d’information annuelle due à la caution, personne physique, ne prend fin que lorsque s’éteint la dette garantie par le cautionnement. Civ. 2ème, 30 avril 2025, n° 22-22.033 I - Bien que rendu sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant le droit des sûretés, l’arrêt peut être assez facilement transposé en droit nouveau. En l’espèce, est conclu un prêt par acte notarié en 2004. Deux personnes physiques s’engagent, en qualité de cautions, envers la banque prêteuse. L’emprunteur, devenant défaillant, les cautions se voient poursuivre par le créancier prêteur. Ce dernier ne parvint pas à obtenir, de manière amiable, le paiement de sa créance à l’égard de ces derniers. L’établissement bancaire décide donc d’utiliser l’exécution forcée. En 2009, une exécution forcée est décidée sur certains immeubles des cautions. En 2021, ces dernières saisissent le tribunal judiciaire aux fins de voir constater la prescription et l’abandon de ladite procédure d’exécution forcée immobilière. Une ordonnance les déboute en juillet 2021. Il est également jugé irrecevable, en outre, un second…
Un dépôt de garantie excessif ne justifie pas un abattement sur la valeur locative
Une stipulation d’un bail commercial qui met à la charge du locataire une obligation de payer en avance des sommes excédant celle correspondant au prix du loyer de plus de deux termes ne constitue pas en soi un facteur de diminution de la valeur locative. Civ. 3ème, 7 mai 2025, FS-B, n° 23-15.394 I - En l’espèce, à l’occasion de la fixation du loyer d’un bail en cours de renouvellement, il était demandé à la Cour de cassation de se prononcer sur l’abattement éventuellement applicable à la valeur locative, lorsque le dépôt de garantie versé par le locataire excède le montant prévu par la loi. Le locataire, qui avait versé un dépôt de garantie de six mois, alors que son loyer était payable trimestriellement d’avance, soutenait que cela justifiait un abattement sur la valeur locative de son bail commercial. Le locataire se prévalait des dispositions de l’article R. 145-8 du code de commerce dont le premier alinéa dispose que les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages constituent «un facteur de diminution…
La nouvelle interprétation de l’article 1112-1 du Code civil
La Cour de cassation pose le principe selon lequel doit être dissocié le caractère déterminant de ladite information de son lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Com. 14 mai 2025, FS-B, n° 23-17.948 I - En l’espèce, dans le cadre d’une cession de parts sociales d’une société exploitant un fonds de commerce de restauration rapide dans un local loué à cet effet, le cessionnaire se rend compte, quelques jours après la conclusion du contrat de cession, que le règlement de copropriété et les co-propriétaires de l’immeuble dont il est question s’opposent à l’installation d’un système d’extraction de fumée ou de ventilation pour exercer l’activité de restauration rapide projetée. Il n’était donc finalement pas possible pour le cessionnaire d’exercer son activité de restauration rapide, notamment la possibilité de faire de la friture. Le cessionnaire décide donc d’assigner le cédant en indemnisation de par la dissimulation intentionnelle de cette information, conduisant à l’impossibilité d’exercer l’activité souhaitée dans le local pris à bail. Les juges du fond décident de rejeter cette demande au motif qu’il…
Droit d’option du bailleur : dispense de conditions de forme et du rappel de la prescription
Le bailleur qui décide d’user de son droit d’option ne peut voir sa demande soumise à des conditions de forme. Qui plus est, sa demande n’a pas à mentionner le délai de prescription applicable pour toute contestation en justice et n’a pas à être motivée. 3ème civ. 27 mars 2025, n° 23-20.030 I - En l’espèce, un bail commercial a été conclu pour une durée initiale de neuf années devant courir du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2016. Durant l’été 2016, le preneur décide de former une demande de renouvellement du bail, respectant le délai de préavis d’au moins six mois avant l’arrivée du terme dudit contrat. Le renouvellement du bail devait prendre effet au 1er janvier 2017. En janvier 2018, le bailleur notifiait au preneur un mémoire pour demander une augmentation du loyer. Le preneur refusa le montant du nouveau loyer demandé par le bailleur. Ce dernier signifia de ce fait son droit d’option en juin 2018, déclarant refuser le renouvellement du bail et ce, conformément à l’article L.145-57, alinéa 2 du Code de commerce. Durant une période…
Un franchisé n’est pas fautif lorsqu’il prépare un projet concurrent pendant l’exécution de son contrat
Un franchisé peut librement débuter un projet concurrent pendant l’exécution de son contrat. Les actes préparatoires réalisés ne sont pas considérés comme fautifs. Seule peut être alors sanctionnée la concurrence effective qui doit être considérée comme la mise en œuvre concrète du projet concurrent. L’arrêt répond donc à l’intéressante question de savoir si un franchisé peut, pendant l’exécution de son contrat de franchise, préparer une activité concurrente à celle exercée par le franchiseur. Com. 19 mars 2025, n° 23-22.925 I - En l’espèce, un franchisé exerce une activité d’assistance à domicile pour les personnes âgées ou handicapées au sein d’un réseau appartenant à un groupe. Ce franchisé décide d’initier divers actes préparatoires à une activité concurrente à celle de son franchiseur. Ces actes préparatoires sont notamment la création de sociétés, le dépôt de marques, l’information des clients ou encore la publication sur les réseaux sociaux…). Le franchiseur décide de résilier le contrat au motif que ces actes préparatoires ont violé diverses obligations pesant sur le franchisé telle que l’obligation de non-concurrence, l’obligation de loyauté, l’obligation de bonne foi dans l’exécution…