Déplafonnement du loyer : évaluation générale de l’impact d’une modification significative des facteurs locaux de commercialité
Peut constituer un motif de déplafonnement du loyer toute modification des facteurs locaux de commercialité qui soit favorable à l’activité exercée par le locataire. Il importe peu que cette évolution ait une incidence réelle et effective sur le chiffre d’affaires ou sur le commerce exploité dans les locaux : l’appréciation se fait in abstracto, en fonction de l’avantage potentiel que la modification représente pour l’activité commerciale concernée. Civ. 3ème, 18 sept. 2025, n° 24-13.288 I - Pour écarter la règle du plafonnement des loyers, l’article L. 145-34 du code de commerce exige la preuve d’une modification notable des éléments énumérés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33. Ces éléments peuvent concerner : La jurisprudence, à l’exception d’un arrêt isolé (Civ. 3e, 13 juill. 1999, n° 97-18.295), exige de manière constante que la modification des facteurs locaux de commercialité soit favorable au commerce exploité par le locataire (Civ. 3e, 14 sept. 2011, n° 10-30.825). Dans l’arrêt commenté, la cour n’a pas contesté l’existence d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité. Le débat portait uniquement sur l’appréciation de son incidence…
Le preneur ne peut opposer l’exception d’inexécution à la demande du bailleur en paiement des loyers que sous certaines conditions
Le locataire peut opposer une exception d’inexécution pour suspendre le paiement des loyers sans qu’une mise en demeure préalable soit nécessaire, dès le moment où les locaux deviennent, du fait du manquement du bailleur à ses obligations, impropres à l’usage auquel ils étaient destinés. Civ. 3ème, 18 sept. 2025, n° 23-24.005 I - Le locataire peut invoquer l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement des loyers lorsqu’il est confronté à un manquement du bailleur à ses obligations essentielles. Dans ce cadre, il n’est pas tenu d’adresser une mise en demeure préalable pour pouvoir exercer ce droit. Cette faculté s’applique à compter du moment où les locaux loués deviennent impropres à l’usage prévu par le contrat en raison des manquements du bailleur — qu’il s’agisse d’un défaut de délivrance, d’entretien ou d’entrave à la jouissance paisible des lieux. L’exception d’inexécution constitue ainsi un moyen de protection immédiat du preneur, lui permettant de ne pas continuer à s’acquitter d’une obligation dont la contrepartie, ici la jouissance effective des locaux, n’est plus assurée. Cette règle reflète le principe général des contrats à exécution successive…
Point de départ du délai de prescription de l’action en résiliation du bail pour défaut de délivrance par le Bailleur
Les obligations du bailleur, consistant à délivrer la chose louée au preneur et à lui en garantir la jouissance paisible, demeurent exigibles pendant toute la durée du bail. Par conséquent, le maintien d’un manquement à ces obligations constitue un motif permettant au locataire de solliciter la résiliation du contrat de bail. Civ. 3ème, 10 juill. 2025, n° 23-20.491 I - Par cet arrêt de censure partielle, dont la portée est renforcée par la généralité des visas et par sa publication au Bulletin, la Cour de cassation réaffirme que les obligations essentielles du bailleur s’imposent durant toute la durée du contrat. Elle en déduit surtout des conséquences déterminantes en matière de prescription de l’action en résiliation introduite par le preneur en cas de violation de ces obligations. En l’espèce, une SCI avait conclu un bail commercial avec une société portant sur un terrain, des hangars et des bureaux destinés à une activité d’exploitation forestière, de négoce de bois d’œuvre et de scierie. En cours de bail, la SCI avait réduit d’un tiers la surface louée en y édifiant un hangar et…
Principe dispositif et perte de chance
Par deux arrêts rendus le 27 juin 2025, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé les limites du principe dispositif dans l’hypothèse où la victime d’un dommage sollicite une indemnisation intégrale, alors qu’elle n’a en réalité subi qu’une perte de chance. Cass. Ass. Plén., 27 juin 2025, n° 22-21.812 I - Après avoir consacré le droit à réparation de toute perte de chance et écarté l’exigence de prouver son caractère « raisonnable », la Cour de cassation va plus loin : elle admet désormais que la victime puisse obtenir réparation même lorsqu’elle demande l’indemnisation de son dommage entier, alors qu’elle n’a en réalité subi qu’une perte de chance. La Cour de cassation a parfois jugé que le juge devait indemniser une perte de chance constatée, même si seule la réparation intégrale avait été demandée. Mais d’autres décisions, s’appuyant sur une lecture stricte du principe dispositif (CPC, art. 4 et 5), ont refusé d’imposer au juge de rechercher ou de soulever une perte de chance non expressément invoquée par la victime. Si le juge peut interpréter la volonté du…
Une troisième condamnation pour Apple au titre de sa clause d’anti-steering
L’analyse conjointe de la décision Spotify de la Commission européenne (4 mars 2024), du jugement californien (30 avril 2025) et de la première sanction au titre de l’article 5(4) du DMA (23 avril 2025) montre qu’Apple persistait à imposer sa clause d’anti‑steering, révélant un esprit infractionnel persistant malgré l’évidence de son illégalité. Comm. UE, 23 avr. 2025, DMA.100109 I - Après des années de relative tranquillité, Apple fait face à plusieurs sanctions en Europe et aux États-Unis pour sa clause d’anti‑steering, qui limite la liberté des éditeurs d’applications de proposer des offres hors‑App Store. La Commission européenne a condamné Apple le 23 avril 2025 à 500 millions d’euros pour violation de l’article 5(4) du DMA, tandis qu’un jugement californien du 30 avril 2025 a ordonné la suppression de cette clause et de toutes commissions ou restrictions imposées aux éditeurs. Ces décisions confirment la ligne de défense très confrontationnelle d’Apple, qui dénie pratiquement toute légitimité aux contraintes réglementaires, et illustrent comment la société persiste dans un comportement jugé illégal malgré les sanctions antérieures, notamment la sanction Spotify de 2024 (1,8 milliard…
Opérations bancaires non autorisées : le délai de treize mois ne limite que le signalement, pas l’action en justice
L’article L. 133-24 du code monétaire et financier fixe à treize mois le délai pour que le client signale à son prestataire de services de paiement une opération non autorisée ou mal exécutée. Ce délai ne concerne que la notification à la banque et ne constitue pas un délai pour agir en justice. Ainsi, le client qui a régulièrement informé sa banque dans ce délai conserve la possibilité d’assigner l’établissement bancaire en paiement selon le délai de prescription de droit commun prévu à l’article 2224 du code civil, soit cinq ans à compter de la découverte du fait dommageable. Cette solution, confirmée par la jurisprudence, distingue clairement entre la déclaration des irrégularités et l’action en responsabilité ou en remboursement, renforçant la protection du client face aux opérations de paiement frauduleuses ou mal exécutées. Com. 2 juillet 2025, n° 24-16.590 I - L’arrêt rendu le 2 juillet 2025 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, promis à une publication au Bulletin, apporte une clarification attendue sur le régime applicable aux opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées. En…
Action paulienne : la Cour de cassation précise à nouveau l’exigence d’une créance certaine en son principe
Par un arrêt rendu le 26 juin 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence désormais bien établie concernant les conditions d’exercice de l’action paulienne prévue à l’article 1341-2 du Code civil. Cette action, ouverte au créancier, lui permet de faire déclarer inopposables les actes accomplis par son débiteur en fraude de ses droits et ayant pour effet d’appauvrir son patrimoine. Parmi ses conditions classiques figure l’exigence d’une créance certaine, au moins en son principe, sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit liquide ou exigible au moment de l’action. Civ. 3ème, 26 juin 2025, n° 23-21.775 I - Le 26 juin 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un nouvel arrêt confirmant sa jurisprudence sur la condition d’une créance certaine, au moins en son principe, exigée pour la recevabilité de l’action paulienne. L’affaire concernait des acquéreurs qui, après avoir constaté des désordres dans l’immeuble acheté, ont engagé une action en responsabilité contre les vendeurs. Ces derniers avaient entre-temps procédé à plusieurs opérations patrimoniales suspectes : donations de parts…
Secret des affaires : quand le silence vaut renonciation à la protection
Selon l’article R. 153-1, alinéas 1 et 2, du code de commerce, si le juge ordonne un séquestre provisoire des pièces pour protéger le secret des affaires, le saisi doit formuler une demande de modification ou de rétractation dans un délai d’un mois. À défaut, il perd la possibilité d’invoquer cette protection pour s’opposer à la levée du séquestre et à la communication des pièces au requérant. Com. 14 mai 2025, n° 23-23.897 I - En l’espèce, une société soupçonne une concurrente, fondée par ses anciens employés, d’actes de concurrence déloyale. Elle obtient du président du Tribunal de commerce de Bordeaux une ordonnance autorisant la saisie de documents, lesquels doivent être conservés sous séquestre par un commissaire de justice. Après plus d’un mois sans demande de rétractation de la part de la société saisie, le requérant demande la remise des documents saisis. La société saisie s’oppose, invoquant la protection du secret des affaires. Le juge du fond, confirmé en appel, ordonne finalement la levée du séquestre et la remise des documents au requérant, au regard de l’article R. 153-1 du…
Examen d’office des clauses abusives même en phase d’exécution ou de procédure collective
Dans un arrêt du 12 juin 2025, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que le juge doit examiner d’office les clauses abusives d’un contrat, même si cet examen n’a pas été fait auparavant. Cette obligation s’applique notamment au stade de l’exécution forcée du contrat ou lors de l’admission au passif dans une procédure collective. Civ. 2ème, 12 juin 2025, n° 22-22.946 I - En l’espèce, un particulier avait souscrit un prêt immobilier libellé en francs suisses auprès d’une banque, garantie par une hypothèque. Par suite d’un défaut de paiement, la banque a engagé une saisie immobilière pour réaliser l’hypothèque et recouvrer sa créance. Plus tard, l’emprunteur a été placé en liquidation judiciaire. Contestant certaines clauses du contrat de prêt, qu’il considérait comme abusives au regard de la directive européenne 93/13/CEE et des dispositions du code de la consommation français, l’emprunteur a demandé leur annulation. Un premier jugement, rendu en décembre 2019, a déclaré ces demandes prescrites, et cette décision est devenue définitive faute d’appel. Parallèlement, lors de la procédure collective, la banque a vu sa…
Le bailleur reste tenu d’assurer la jouissance paisible des lieux loués, même en présence de désordres relevant de la copropriété
Le bailleur est tenu de garantir au locataire la jouissance paisible des locaux loués et d’en assurer l’entretien. Il ne peut s’en exonérer qu’en cas de force majeure. En présence de désordres affectant les lieux loués, il lui incombe soit d’effectuer lui-même les travaux nécessaires, soit d’avancer au locataire les sommes permettant leur réalisation. Le fait d’avoir saisi le syndicat de copropriété ne suffit pas à le dégager de sa responsabilité. Le locataire est en droit d’obtenir une indemnisation intégrale du préjudice subi. Civ. 3ème, 19 juin 2025, n° 23-18.853 I - En l’espèce, à la suite de désordres affectant les faux plafonds situés dans les locaux loués, désordres provenant des parties communes de l’immeuble, la Cour de cassation rappelle que le bailleur, informé de la situation, demeure tenu de remédier aux troubles affectant la chose louée. La bailleresse ne pouvait se retrancher derrière l’origine commune des désordres pour s’exonérer de ses obligations. À défaut d’exécuter elle-même les travaux de reprise, elle devait en assumer la charge financière et avancer à la locataire les sommes nécessaires à leur réalisation.…
Les conditions dans lesquelles le bailleur peut se prévaloir de la résiliation du bail commercial lorsque la liquidation judiciaire de ce dernier est ouverte après la résolution de son plan de redressement
Lorsque la liquidation judiciaire d’un locataire est ouverte juste après la résolution de son plan de redressement, le bail commercial ne peut pas être résilié pour des loyers impayés postérieurs au jugement d’ouverture du redressement. Toutefois, si une décision constatant ou prononçant la résiliation du bail a acquis force de chose jugée avant l’ouverture de cette nouvelle procédure, le bailleur peut s’en prévaloir. À défaut, le bail reste en vigueur et peut être transféré dans le cadre d’un plan de cession. Com. 12 juin 2025, n° 23-22.076 I - En l’espèce, une entreprise locataire de locaux commerciaux a été placée en redressement judiciaire en octobre 2019 après avoir reçu un commandement de payer pour loyers impayés. Malgré cette procédure, les impayés ont continué, et le bailleur a demandé la résiliation du bail auprès du juge-commissaire, qui l’a refusée. Le bailleur a formé opposition et obtenu gain de cause en janvier 2022, avec une décision assortie de l’exécution provisoire. L’expulsion du preneur a donc été prononcée en référé. Parallèlement, un plan de redressement par continuation avait été arrêté en février 2021.…
Le preneur d’un bail commercial est-il toujours préféré en cas de vente de l’immeuble loué ?
La Haute Juridiction a affirmé le principe selon lequel le preneur à bail commercial ne peut bénéficier de son droit de préférence accordé à l’article L.145-46-1 du Code de commerce lorsque la vente de l’immeuble loué objet du bail commercial s’inscrit dans le cadre d’une cession globale d’un immeuble comprenant un seul local commercial. Civ. 3ème, 19 juin 2025, n° 23-17.604 I - Le principe est posé à l’article L.145-46-1 du Code de commerce, en cas de vente du local loué par le bailleur, le preneur à bail a un droit de préférence en vue d’acquérir ledit local commercial. Néanmoins, ce principe connait plusieurs exceptions et notamment en cas de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux. En l’espèce, le propriétaire avait vendu l’ensemble immobilier, dans lequel il n’y avait qu’un seul locataire commerçant. Ce dernier soutenait au soutien de ses intérêts que le principe de la cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ne pouvait s’appliquer lorsqu’il n’y avait qu’un seul local commercial au sein dudit immeuble. Cependant, la Cour de cassation affirme clairement que le droit…

