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Un lot de copropriété à usage d’habitation peut être réaffecté à un usage de débarras en cas de danger avéré

 Cass. 3e civ., 22 mai 2025, n° 23-19.387, n° 274 D Usage non conforme : le critère du risque l’emporte Lorsqu’un lot d’une copropriété, bien qu’utilisé de longue date à des fins d’habitation, présente un risque anormal pour la sécurité des occupants, l’assemblée générale des copropriétaires peut interdire cette affectation et en imposer la réaffectation à l’usage initial prévu par le règlement de copropriété, en l’occurrence un débarras. L’incendie révélateur d’un danger structurel À la suite d’un incendie dans un immeuble en copropriété, les opérations d’évacuation ont mis en évidence des difficultés d’accès au dernier étage, où certains lots étaient occupés à usage d’habitation. Ces lots étaient pourtant désignés comme « débarras » dans le règlement de copropriété. Bien que certains actes de vente mentionnaient un usage d’habitation, et que cette affectation était ancienne, l’assemblée générale a décidé d’interdire leur usage résidentiel, au vu des conclusions d’expertise sur les risques encourus. Les copropriétaires contestent la décision Les propriétaires concernés ont saisi la justice pour obtenir l’annulation de la résolution de l’assemblée, faisant valoir la prescription de l’action, et l’existence d’un…

Amandine Roglin

Transformation des bureaux en logements : vers une copropriété plus flexible

Un allègement du régime de vote en assemblée générale L. n° 2025-541, 16 juin 2025, art. 8 et 9 : JO, 17 juin La loi n° 2025-541 du 16 juin 2025 simplifie considérablement les démarches pour transformer des bureaux en logements dans un immeuble en copropriété. Désormais, seule la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 est requise pour autoriser ce changement d’usage, même lorsqu’il porte atteinte à la destination de l’immeuble. Cette évolution marque la fin du verrou de l’unanimité, longtemps considéré comme un obstacle majeur à la réaffectation des bureaux, notamment dans un contexte de vacance croissante et de pénurie de logements. Cas de transformation libre et encadrée Deux hypothèses se présentent : À noter : cette solution constitue un compromis. Elle offre une souplesse nouvelle sans aller aussi loin que le texte initial du législateur, qui envisageait une absence totale de droit d’opposition des copropriétaires. Exclusion des locaux commerciaux du dispositif La réforme ne s’applique pas aux locaux commerciaux. Le législateur a estimé que la transformation de commerces en logements risquait de…

Amandine Roglin

Retrait-gonflement des argiles : vers une indemnisation obligatoire par la garantie décennale des constructeurs ?

Rapp. Haut-Commissariat à la Stratégie et au plan, "Repenser la mutualisation des risques climatiques", juin 2025 https://www.strategie-plan.gouv.fr/files/files/Publications/2025/2025-06-12%20-%20Risques%20climatiques/HCSP-2025-RAPPORT%20MUTUALISATION%20RISQUES%20CLIMAT_Complet_12juin18h-FINAL.pdf Dans un contexte de multiplication des sinistres liés au changement climatique, une proposition du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan envisage de faire reposer exclusivement sur la garantie décennale des constructeurs la prise en charge des désordres causés par le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA) survenant dans les dix ans suivant la réception des travaux. Un rapport pour refondre la gestion des risques climatiques Le Haut-Commissariat a récemment publié un rapport visant à améliorer la couverture des risques liés au climat. Trois scénarii d’évolution du régime d’indemnisation des événements climatiques y sont examinés. L’un d’eux s’intéresse tout particulièrement aux fissurations des bâtiments résultant du retrait-gonflement des argiles, un phénomène accentué par les épisodes de sécheresse. Dans ce cadre, la proposition n°7 du premier scénario recommande explicitement d’exclure du régime des catastrophes naturelles (Cat Nat) les sinistres RGA survenus dans les dix premières années suivant la construction, même lorsque le bâtiment a été érigé conformément aux normes techniques imposées par la loi…

Amandine Roglin

Responsabilité de l’acquéreur dans l’échec d’une vente immobilière conditionnée à l’obtention d’un permis

Cass. 3e civ., 20 mars 2025, n° 23-13.335, n° 160 F-D Une vente soumise à condition suspensive : le contexteEn novembre 2010, une SCI a conclu avec un acquéreur une promesse synallagmatique de vente portant sur un bien immobilier, sous condition suspensive de l’obtention d’un permis de démolir et de construire, purge de tout recours, avant une date limite. L’acquéreur devait déposer sa demande de permis au plus tard le 31 mars 2011. Il l’a fait in extremis, le 30 mars, mais le dossier a été jugé incomplet par l’administration. À la suite d’une modification du plan local d’urbanisme (PLU) en mai 2011, il a retiré sa demande en septembre. Le bien a finalement été vendu à un tiers à un prix inférieur, ce qui a conduit la SCI à agir en indemnisation. La faute de l’acquéreur dans l’échec de la condition suspensive La Cour de cassation confirme la décision d’appel qui retient la responsabilité de l’acquéreur. Elle considère que : Ainsi, l’acquéreur a manqué à son obligation de diligence dans l’instruction du dossier de permis. Son comportement fautif justifie…

Amandine Roglin

Recevabilité en appel d’une demande en nullité du contrat : précision sur les prétentions nouvelles

Cass. 2e civ., 28 mai 2025, n° 23-21.674, n° 520 D Irrecevabilité des demandes nouvelles en appel En appel, les parties ne peuvent, en principe, présenter de nouvelles prétentions. Toutefois, l’article 564 du Code de procédure civile autorise certaines exceptions, notamment lorsqu’une prétention vise à faire écarter celles de l’adversaire. De même, selon l’article 565, une prétention n’est pas considérée comme nouvelle si elle tend au même but, même si son fondement juridique diffère. De la réduction d’indemnité à la nullité du contrat À la suite d’un incendie partiel dans un immeuble assuré, l’assureur a invoqué une erreur sur la déclaration de la surface assurée pour réduire le montant de l’indemnité due. Assigné en garantie, il a sollicité en appel la nullité du contrat d’assurance ou la déchéance de garantie, au motif de cette fausse déclaration. La cour d’appel a jugé ces demandes irrecevables, considérant qu’il s’agissait de prétentions nouvelles : en première instance, l’assureur reconnaissait le principe de la garantie et se contentait d’en réduire le montant, alors qu’en appel, il contestait désormais l’existence même du droit à indemnisation.…

Amandine Roglin

Usage d’habitation : la loi Le Meur ne s’applique pas rétroactivement, selon la Cour de cassation

Cass. 3e civ., avis, 10 avr. 2025, n° 25-70.002, n° 15010 P+B Une loi renforçant le contrôle des locations touristiquesLa loi du 19 novembre 2024, dite loi Le Meur, a renforcé les moyens juridiques à disposition des collectivités pour encadrer les meublés touristiques. Elle a modifié les critères permettant de considérer un local comme affecté à l’usage d’habitation, et a doublé le plafond des amendes encourues en cas de changement d’usage sans autorisation préalable, le faisant passer de 50 000 à 100 000 €. Un changement substantiel des critères d’usageJusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, un local était présumé à usage d’habitation s’il l’était au 1er janvier 1970, selon l’article L. 631-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Désormais, la présomption repose : Ces nouvelles modalités de preuve ont soulevé de nombreuses critiques doctrinales. La Cour de cassation tranche la question de l’application dans le temps Saisie pour avis par le tribunal judiciaire de Paris, la Cour de cassation devait se prononcer sur deux interrogations soulevées dans une affaire où la Ville de Paris poursuivait un…

Amandine Roglin

Les dégradations locatives ne peuvent pas faire l’objet d’une injonction de payer

Cass. 3e civ., 27 mars 2025, n° 23-21.501, n° 176 B Une créance contractuelle, mais non déterminée par le contrat La Cour de cassation rappelle qu’une créance résultant de dégradations locatives ne peut pas être recouvrée par la voie de l’injonction de payer, dès lors que son montant ne peut être fixé uniquement en vertu du contrat de bail. Selon l’article 1732 du Code civil, le locataire est responsable des dommages survenus pendant la durée du bail, sauf s’il prouve qu’ils ne lui sont pas imputables. Ainsi, lorsqu’il restitue le logement en mauvais état, il engage sa responsabilité contractuelle et doit indemniser le bailleur du préjudice subi, notamment pour le coût de la remise en état. Toutefois, l’évaluation de ce préjudice nécessite l’intervention du juge, sauf accord exprès entre les parties. L’injonction de payer : des conditions strictes L’article 1405 du Code de procédure civile prévoit que la procédure d’injonction de payer n’est possible que si : Or, les créances liées aux réparations locatives ne répondent pas à cette exigence. Leur montant ne peut ni être fixé directement dans le…

Amandine Roglin

Le notaire doit conseiller spontanément les parties avant leur engagement définitif

Cass. 1re civ., 28 mai 2025, n° 23-18.737, n° 349 F-D Un devoir d’information préalable et complet Le notaire est tenu de fournir un conseil éclairé et spontané aux parties avant toute prise d'engagement définitif. À défaut, il engage sa responsabilité professionnelle. Dans une affaire récente, la Cour de cassation a rappelé cette exigence à l’occasion d’un litige opposant des vendeurs de terrain à leur notaire. Les faits : omission d’information sur une imposition prévisible En 2014 puis en 2017, un couple avait consenti une promesse unilatérale de vente d’un terrain non bâti à une société. L’achat a été concrétisé début 2018 pour un montant supérieur à un million d’euros. Postérieurement à la signature de l’acte authentique, les vendeurs découvrent qu’ils sont redevables de taxes additionnelles importantes, en raison du classement du terrain comme constructible. Ces impositions découlaient d’une délibération municipale datant de 2008 et étaient donc connues et quantifiables dès 2014. Or, si le notaire avait bien évoqué la possibilité de ces taxes dans les promesses de vente, il s'était contenté d'une mention vague, sans fournir de chiffres ni…

Amandine Roglin

Emprunt collectif en copropriété : la liste des documents que le prêteur peut exiger du syndic est désormais encadrée

D. n° 2025-499, 6 juin 2025 : JO, 7 juin Contexte légal : faciliter les financements pour la rénovationLa loi du 9 avril 2024 visant à accélérer et simplifier la rénovation de l’habitat dégradé (L. n° 2024-322) autorise les syndicats de copropriétaires à souscrire des prêts collectifs globaux pour financer des travaux votés en assemblée générale. Ces emprunts, réputés engageants pour l’ensemble des copropriétaires, sont adoptés selon les mêmes règles de majorité que les travaux qu’ils doivent financer (art. 26-4, III de la loi du 10 juillet 1965). Afin de sécuriser les établissements financiers et leur permettre d’évaluer la solvabilité du syndicat emprunteur, la loi prévoit qu’ils peuvent obtenir du syndic des informations « nécessaires, suffisantes et proportionnées » (art. 26, III, al. 4). Un décret du 6 juin 2025 (n° 2025-499) vient désormais préciser la liste des documents que le syndic peut être tenu de transmettre. Les trois grands volets d’informations à fournir 1. Documents relatifs à l’organisation de la copropriété Le syndic doit remettre : 2. Informations financières actualisées Le syndic doit fournir, à la date de la…

Amandine Roglin

Obligation pour le juge d’évaluer un dommage reconnu dans son principe

Cass. 2e civ., 28 mai 2025, nos 23-20.477, 23-20-485 et 23-24.031 Lorsqu’un incendie a détruit un bâtiment ainsi que les biens qui s’y trouvaient, le juge ne peut refuser la demande de l’assureur subrogé dans les droits des victimes en se fondant uniquement sur une insuffisance de preuve du montant exact du préjudice. En l’espèce, une SCI avait fait construire un immeuble loué à une société exploitant des box de stockage. Au cours des travaux d’extension, une entreprise de soudure a causé un incendie ayant ravagé les locaux et les biens stockés dans les box. En conséquence, la SCI, le locataire principal, plusieurs locataires utilisateurs des box et l’assureur ayant indemnisé certains d’entre eux ont poursuivi en justice le responsable de l’incendie. L’assureur a produit à l’appui de sa demande : Cependant, la cour d’appel a rejeté sa demande, estimant que la preuve du préjudice effectivement indemnisé n’était pas rapportée. Elle a considéré que : La Cour de cassation a cassé cet arrêt, invoquant une violation de l’article 4 du Code civil relatif au déni de justice. Elle rappelle que…

Amandine Roglin

Copropriété en difficulté : l’administrateur provisoire peut, dans certains cas, désigner le conseil syndical

 Rép. min. n° 2244 : JOAN Q, 8 avr. 2025, p. 2528 Des pouvoirs déterminés par le juge Dans le cadre d’une copropriété en difficulté, un administrateur provisoire peut être désigné pour remplacer ou assister le syndic. Ses attributions sont fixées par le président du tribunal judiciaire, conformément à l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965. Ce dernier peut lui confier tout ou partie des pouvoirs normalement dévolus à l’assemblée générale des copropriétaires. La désignation du conseil syndical dépend de l’étendue de ces pouvoirsUne réponse ministérielle est venue apporter une précision importante à ce sujet. Sous réserve de l’interprétation souveraine des juridictions, lorsque l’administrateur provisoire reçoit l’intégralité des pouvoirs de l’assemblée générale, il peut désigner lui-même les membres du conseil syndical. À l’inverse, si certains pouvoirs sont conservés par l’assemblée générale, notamment celui relatif à la composition du conseil syndical, l’administrateur provisoire devra convoquer les copropriétaires afin qu’ils procèdent eux-mêmes à cette désignation. En pratique : se référer aux termes de la décision judiciaire Il est donc essentiel de consulter la décision du juge désignant l’administrateur provisoire, afin…

Amandine Roglin

Assurance décennale obligatoire : l’absence de souscription peut entraîner la résiliation du marché par le maître d’ouvrage

Cass. 3e civ., 30 avr. 2025, n° 23-21.574 Lorsqu’un constructeur ne fournit pas de justificatif d’assurance décennale couvrant toutes les activités prévues au contrat, cela peut légitimement entraîner la résiliation de celui-ci par le maître d’ouvrage. Par conséquent, toute demande d’indemnisation par l’entreprise pour résiliation prétendument abusive ou brutale est vouée à l’échec. En l’espèce, un maître d’ouvrage avait confié des travaux à une entreprise sous la condition expresse qu’elle fournisse une attestation d’assurance de responsabilité décennale. Faute pour l’entreprise de produire cette attestation, le maître d’ouvrage a résilié le contrat. L’entreprise a alors engagé une action en justice pour obtenir des compensations, estimant que la rupture du contrat était abusive. Cependant, les juges du fond ont rejeté ces prétentions, et leur décision a été confirmée par la Cour de cassation. Celle-ci rappelle que, selon l’article L. 241-1 du Code des assurances, l’obligation pour un constructeur de justifier d’une assurance décennale dès l’ouverture du chantier est une exigence d’ordre public. Le manquement à cette obligation constitue une faute suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat, aux torts de l’entreprise.…

Amandine Roglin