SOURCE : Arrêt du Conseil d’Etat du 19 mai 2021, n°441031 inédit au recueil Lebon
Afin de gérer la crise sanitaire et faire face aux conséquences de l’épidémie, le Gouvernement se fondant sur l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 a pris diverses mesures relevant du domaine de la loi.
La fermeture des entreprises au mois de mars 2020 et la perspective d’une reprise d’activité en mai 2020 avait conduit le Gouvernement à organiser par voie d’ordonnances[1] et de décrets[2], les modalités de consultations et d’information du CSE réduisant temporairement les délais prévus par le Code du travail.
C’est ainsi que le CSE pouvait être consulté rapidement et était réputé avoir donné un avis négatif dans un délai plus court, permettant ainsi aux employeurs de réduire le temps entre la prise de décision et la mise en place des mesures de protection des salariés et de l’activité.
Le même dispositif était applicable au déroulement des d’expertises, nécessitées par les décisions de l’employeur en lien avec l’épidémie.
Ces dispositions demeuraient en vigueur jusqu’au 23 août 2020, soit le temps pour les employeurs d’organiser rapidement certaines mesures, mais également de prévoir des moyens permettant une consultation à distance du CSE selon les délais et modalités prévus par le Code du Travail.
Plusieurs syndicats ont ensuite saisi la juridiction administrative afin de solliciter l’annulation pour excès de pouvoir l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 dans sa version issue de l’ordonnance du 2 mai 2020 et le décret y afférent.
Dans son arrêt, le Conseil d’Etat se référant aux termes de la loi d’habilitation, mais aussi aux travaux parlementaires ayant conduit à son adoption, constate que la loi d’habilitation ne visait pas le raccourcissement explicite des délais de consultation mais avait pour objet « les modalités d’information et de consultation des IRP, d’organiser la consultation des IRP par voie dématérialisée » et « l’adaptation, l’interruption, la suspension et le report du terme de certains délais ».
Par conséquent, le Gouvernement n’était pas habilité à réduire ces délais.
Dès lors, l’ordonnance est annulée, de sorte qu’en principe elle est réputée n’être jamais intervenue.
Le ministère du travail a bien tenté de soutenir que, l’annulation de ces actes emporterait des conséquences manifestement excessives, en raison, tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur, que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets. Il sollicitant donc du Conseil d’Etat, qu’il entérine la validité des actes dérogeant ainsi au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses.
Par conséquent, l’employeur qui s’est fondé sur l’avis ou l’absence d’avis du CSE dans un délai raccourci par les dispositions du Gouvernement, pourrait voir sa décision ou mesure remise en cause devant la juridiction prud’homale.
Il y a tout de même lieu de penser que si, le Gouvernement est justement censuré pour son atteinte au principe de séparation des pouvoirs, l’employeur qui n’a fait qu’appliquer les textes ne verra sa responsabilité engagée qu’en cas de manquement grave à l’obligation de loyauté dans la mise en œuvre des procédures d’information et consultation.
Pour rappel, l’article L. 2317-1 du Code du travail sanctionne par le délit d’entrave, l’atteinte au fonctionnement régulier du Comité Social et Economique soit 7.500 € d’amende pour les personnes physiques et 37.500 € pour les personnes morales. Cette amende constitue un maximum ; le juge peut donc retenir la culpabilité du prévenu et prononcer une amende symbolique voire une peine d’amende avec sursis.
[1] Article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020
[2] décret n° 2020-508, 2 mai 2020