Il résulte des articles 145 et suivants et 232 et suivants du code de procédure civile que ne modifie pas l’objet du litige le juge des référés qui, saisi sur le fondement du premier de ces textes, d’une demande de désignation d’un technicien en vue d’une mission de consultation, commet un technicien avec une mission d’expertise au motif, souverainement apprécié, que, l’issue du litige requérant des investigations complexes, la mesure de consultation sollicitée ne serait pas suffisante.
Cour de cassation, 27 novembre 2025, n° 23-20.727
I –
En l’espèce, les maîtres de l’ouvrage ont confié au maître d’œuvre, assuré successivement auprès de deux assureurs, la maîtrise d’œuvre de la construction d’une maison d’habitation.
Après l’obtention de deux permis de construire, les maîtres de l’ouvrage ont résilié le contrat de maîtrise d’œuvre, estimant que l’implantation prévue par le contrat n’était pas réalisable.
Imputant l’échec de leur projet au maître d’œuvre, ils ont saisi le juge des référés sollicitant que soit ordonnée une mesure de consultation.
II –
La Cour d’appel a ordonné une mesure d’expertise estimant qu’au regard de la nature du problème posé, nécessitant une étude sur le terrain ainsi que la réalisation de plans et des estimations budgétaires, il est préférable d’ordonner une expertise plutôt qu’une simple mesure de consultation.
Le maître d’œuvre et son assureur ont formé un pourvoi en cassation et font grief à l’arrêt d’ordonner une mesure d’expertise, alors que le juge, qui ne peut méconnaître les termes du litige dont il est saisi, doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé et qu’en l’espèce, les maîtres d’ouvrage avaient expressément demandé, en cause d’appel, « une mesure de consultation judiciaire ».
III –
La Cour de cassation rejette les pourvois.
Elle juge qu’il résulte des articles 145 et suivants et 232 et suivants du code de procédure civile que ne modifie pas l’objet du litige le juge des référés qui, saisi sur le fondement du premier de ces textes, d’une demande de désignation d’un technicien en vue d’une mission de consultation, après avoir constaté le motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, commet un technicien avec une mission d’expertise au motif, souverainement apprécié, que, l’issue du litige requérant des investigations complexes, la mesure de consultation sollicitée ne serait pas suffisante.
IV –
Dans cet arrêt, la Cour de cassation juge que le juge des référés, saisi d’une demande fondée sur l’article 145 du code de procédure civile tendant à l’obtention d’une mesure d’instruction avant tout procès, ne modifie pas l’objet du litige lorsqu’il substitue à la mesure de consultation sollicitée une mesure d’expertise.
Dès lors qu’il constate l’existence d’un motif légitime justifiant qu’une preuve soit conservée ou établie avant tout procès, il lui appartient d’apprécier souverainement la nature de la mesure d’instruction la plus appropriée.
S’il estime que la résolution du futur litige appelle des investigations complexes, il peut légitimement considérer que la consultation demandée est insuffisante et ordonner à la place une expertise.
La Cour affirme ainsi que le juge n’a pas méconnu les articles 4 et 5 du code de procédure civile, puisqu’il n’a pas dépassé l’objet du litige, lequel demeure la mise en œuvre d’une mesure d’instruction destinée à établir la preuve.
V –
En conclusion, cet arrêt rappelle que, saisi sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer la mesure d’instruction la plus adaptée, et peut, sans modifier l’objet du litige ni méconnaître les articles 4 et 5 du même code, substituer à la mesure sollicitée une mesure d’instruction d’une autre nature, dès lors qu’elle est légalement admissible et justifiée par la complexité des investigations nécessaires à l’établissement ou à la conservation de la preuve.

