SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 30 mars 2022, n°20-14.556 (FS-D Cassation).
Une salariée a été engagée par une entreprise à compter du 25 novembre 2005 en qualité de secrétaire.
Elle a été licenciée par lettre du 06 juin 2017 pour faute grave, son employeur lui reprochant une attitude d’insubordination répétitive à la suite d’un refus d’augmentation de salaire la salariée entendant ainsi protester par son attitude en refusant d’exécuter une partie de ses tâches habituelles, critiquant en outre la politique des dirigeants de l’entreprise et dénigrant la direction, ce comportement créant des tensions dans l’entreprise.
Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud’homale prétendant notamment que son contrat de travail précisait les motifs d’un éventuel licenciement pour cause d’état d’ébriété, vol ou toute autre action ou omission nuisant à la bonne marche de l’entreprise, et que la lettre de licenciement dénonce aucun de ces motifs comme cause du licenciement et ne dit pas et ne fait pas non plus ressortir que les griefs imputés à la salariée aient nui à la bonne marche de l’entreprise.
En cause d’appel, cette affaire arrive par-devant la Cour d’appel de Colmar, laquelle dans un arrêt du 28 janvier 2020 va accueillir la demande de la salariée et considérer qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si, comme le soutenait l’entreprise, les actions de la salariée qui lui étaient reprochées nuisaient effectivement à la bonne marche de l’entreprise considérant que dès lors que le licenciement avait été prononcé pour un motif autre que ceux auxquels le contrat de travail limitait les possibilités de licenciement, il était par suite dépourvu de cause réelle et sérieuse. L’arrêt d’appel condamne donc la société au paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire outre le remboursement au Pôle Emploi des indemnités chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités.
En suite de cette décision, l’employeur forme un Pourvoi en Cassation.
A l’appui de son Pourvoi, il prétend que l’employeur est en droit en cas de contestation du licenciement d’invoquer toutes les circonstances de faits qui permettent de justifier ce motif et il reproche à l’arrêt d’appel de ne pas avoir recherché si les faits reprochés à la salariée dans la lettre de licenciement constituaient une action qui avait nui à la bonne marche de l’entreprise, motif de rupture visé dans le contrat de travail.
La Chambre sociale de la Haute Cour va accueillir l’argumentation de l’employeur.
Enonçant qu’il résulte de l’article L 1232-6 du Code du travail que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit en cas de contestation d’invoquer toutes les circonstances de faits qui permettent de justifier ce motif, elle censure l’arrêt d’appel pour avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que la clause du contrat de travail fixe des cas limitatifs pour lesquels la salariée pouvait être licenciée et que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige n’énonce aucun de ces motifs comme cause de licenciement et que notamment elle ne dit pas et ne fait pas non plus ressortir que les griefs imputés à la salariée aient nui à la bonne marche de l’entreprise et en déduit qu’il n’y a pas lieu de rechercher si comme le soutenait l’employeur les actions de la salariée qui lui sont reprochées nuisaient effectivement à la bonne marche de la société alors qu’il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si ces griefs constituaient des actions nuisant à la bonne marche de l’entreprise.
Par suite, la Chambre sociale de la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel.