Péremption et prorogation du commandement de payer valant saisie immobilière

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : CassCiv.2., 19 mars 2020, n°19-11722 P-B-I, CassCiv.2., 19 mars 2020, n°19-10350 P+B+I

 

Peu d’arrêts évoquent la notion de péremption du commandement de payer tant son application apparait évidente.

 

En effet, le Code des procédures civiles d’exécution prévoit en application des dispositions de l’article R321-20 que la durée de validité du commandement est de deux ans.

 

Ainsi, le jugement d’adjudication doit être publié au service de la publicité foncière dans ce délai.

 

Par deux arrêts rendus le même jour, la Cour reviendra sur cette notion et en précisera les contours tout en remarquant le rôle de la Cour d’appel.

 

I – La péremption du commandement de payer.

 

La première espèce est un cas d’école. Les reports successifs de la vente par adjudication ont entrainé le dépassement du délai de deux ans.

 

Ainsi, lors de l’audience d’adjudication, le Juge de l’exécution prononcera sa caducité au motif de l’absence de publicité préalable. Aucune mention à la péremption du commandement de payer ne sera faite.

 

La Cour d’appel saisi du litige infirmera le jugement et précisera que la péremption d’imposait au Juge de l’exécution ce qui rendait en soit, toute publicité inutile.

 

Un pourvoi sera formé, pourvoi rejeté.

 

L’analyse était la suivante. Les débiteurs saisis estiment que toute partie peut solliciter la caducité du commandement corrélativement aux dispositions de l’article R311-11 du Code précité.

 

Rejet de la Cour qui indiquera :

 

« 5. Il résulte de l’article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution que la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière, qui opère de plein droit et s’impose au juge qui la constate, met fin à la procédure de saisie.

 

6. C’est par une exacte application de ces dispositions que la cour d’appel, après avoir constaté que le commandement valant saisie était périmé depuis le 31 janvier 2016, cette péremption mettant fin à la procédure de saisie, ne s’est pas prononcée sur l’incident de caducité soulevé par Mme Q…, qui portait sur des actes de procédure qui devaient être réalisés postérieurement à cette date. »

 

Autrement dit, la péremption du commandement s’impose au magistrat qui doit le relever ce qui implique la fin de la procédure de saisie immobilière. Le magistrat n’a alors pas besoin de s’interroger sur les actes réalisés postérieurement.

 

II – Sur la prorogation du commandement de payer.

 

Dans le second arrêt commenté, la procédure est également caractérisée par de multiples reports de l’audience de vente, mais cette fois, le commandement est prorogé.

 

Une fois la vente judiciaire réalisée, le créancier poursuivant sollicite la prorogation du commandement de payer faute de consignation du prix, prorogation dont il sera fait droit par le magistrat.

 

Toutefois, il importe de préciser que les débiteurs s’opposeront à la prorogation du commandement de payer au motif que le commandement était périmé, faute d’avoir été renouvelé dans le délai de deux ans.

 

La Cour d’appel donnera raison au Juge de l’exécution motivant un pourvoi des débiteurs saisis.

 

Immédiatement, et pour être complet, il faut signaler que la recevabilité du pourvoi sera contestée à l’appui de l’article 608 du Code de procédure civile indiquant :

 

« Les autres jugements en dernier ressort ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. »

 

Cette contestation était légitime. En effet, la Cour d’appel n’a pas tranché une partie du principal ou mis fin à l’instance en cours. La dérogation à ce principe devant être qualifié d’excès de pouvoir.

 

La Cour de cassation, dans son attendu :

 

« Attendu qu’en confirmant le jugement du juge de l’exécution ayant ordonné la prorogation des effets du commandement valant saisie immobilière, la cour d’appel n’a pas tranché une partie du principal, ni mis fin à l’instance relative à la procédure de saisie immobilière, pendante devant la cour d’appel, faute pour l’adjudicataire d’avoir payé le prix ;

 

Et attendu que c’est sans excéder ses pouvoirs que la cour d’appel a confirmé le jugement du 16 novembre 2017 ayant prorogé le commandement, après avoir constaté qu’il avait été renouvelé par un jugement publié le 18 novembre 2015, soit moins de deux années avant que le juge de l’exécution ne statue, peu important que le commandement, alors périmé, ait pu être indûment prorogé par une décision antérieure, aucune partie ne s’étant alors prévalu de sa péremption ;

 

D’où il suit que le pourvoi, formé contre un arrêt qui n’a pas tranché le principal ni mis fin à l’instance et n’est pas entaché d’excès de pouvoir, n’est pas recevable.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi »

 

Ainsi, les juges du quai de l’Horloge indiquent que la Cour d’appel ayant confirmé le dernier jugement de prorogation, peu important qu’il l’ait été indument, aucune partie ne s’est prévalu de sa péremption.

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