Réception tacite et critique des travaux réalisés par l’entreprise

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Source : Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile 20-14.975 – 1er avril 2021

 

I –

 

Des maîtres d’ouvrage ont confié la réfection de leur système de chauffage, l’installation d’une pompe à chaleur et la modification du réseau existant à un locateur d’ouvrage.

 

Les travaux ont été exécutés et payés par les maîtres d’ouvrage et les parties ont convenues que des travaux supplémentaires, portant sur la modification du réseau de chauffage existant seraient réalisés ultérieurement.

 

L’installation a fonctionné sans donner pleine satisfaction et les parties ont conclu un accord pour la réalisation des travaux restants.

 

Les maîtres d’ouvrage ont fait constater l’état des travaux et ont adressé à l’entreprise une sommation de procéder à l’adaptation du système de chauffage.

 

Une expertise judiciaire a par ailleurs été sollicité par ces derniers.

 

Suite au dépôt du rapport de l’Expert, les maîtres d’ouvrage ont assigné le liquidateur judiciaire de l’entreprise ayant réalisé les travaux et son assureur aux fins d’indemnisation sur le fondement de la garantie décennale.

 

II –

 

Le litige s’est cristallisé sur la question de la réception des travaux.

 

En effet, pour que la garantie décennale soit invoquée, encore faut-il que les travaux aient été réceptionnés.

 

Pour rappel, la réception peut être :

 

  Expresse, par la régularisation d’un procès-verbal de réception entre les parties ;

 

  Tacite, en l’absence de procès-verbal de réception mais encore faut-il que certaines conditions soient réunies comme il va l’être rappelé ci-après par l’arrêt de la Cour de cassation du 1er avril 2021 puisque la volonté des maîtres d’ouvrage de réceptionner doit être qualifiée de non équivoque.

 

  Judiciaire, comme prévue à l’article 1792-6 du Code Civil, lorsque la réception amiable ne peut être envisagée, généralement lorsque le maître d’ouvrage refuse d’accepter les travaux.

 

Au cas d’espèce, dans l’affaire qui nous intéresse, aucun procès-verbal de réception n’avait été régularisé entre les maîtres d’ouvrages et l’entreprise de construction.

 

Les maîtres d’ouvrage soutenaient pour autant que les travaux avaient été réceptionnés tacitement dès lors :

 

  Qu’ils avaient pris possession des ouvrages litigieux ;

 

  Qu’ils avaient procédé au paiement de 80% du marché de l’entreprise.

 

La Cour d’appel a cependant jugé que la réception tacite n’était pas caractérisée ne permettant pas aux maitres d’ouvrage d’obtenir une indemnisation par l’assureur décennal de l’entreprise de construction qui avait fait l’objet d’une procédure collective.

 

Les maîtres d’ouvrage ont donc formé un pourvoi en cassation.

 

III –

 

La Haute Juridiction a cependant rejeté leur recours, rappelant que la Cour d’appel avait constaté que les maîtres de l’ouvrage avaient pris possession de la première partie des travaux réalisés mais qu’ils avaient contesté de manière constante la qualité des travaux exécutés et demandé une expertise judiciaire pour établir les manquements de l’entrepreneur.

 

Dans ces conditions, la volonté des maîtres d’ouvrage de prendre réception, fût-ce avec réserves, était équivoque.

 

La réception tacite n’est donc pas caractérisée.

 

Dans cette situation, la seule porte de sortie pour tenter d’accorder les garanties constructeurs est la réception judiciaire.

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