Prise d’acte de la rupture pendant le délai d’homologation de la rupture conventionnelle : quels effets ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 23 septembre 2015, Arrêt n° 1583 FS-P+B+R (n° 14-17.539).

 

Un salarié avait été embauché en contrat à durée indéterminée le 09 décembre 2002 pour exercer au sein d’une société  des fonctions de magasinier livreur.

 

Par avenant du 31 mars 2006, le salarié devenait vendeur, avant de solliciter dans le courant de l’année 2008 le bénéfice d’un congé individuel de formation pour une formation intitulée « conducteur routier de marchandises » qui va l’emmener jusqu’au 30 janvier 2009.

 

A l’issue de la formation, le salarié et l’employeur convenaient de rompre le contrat de travail dans le cadre d’une rupture conventionnelle homologuée et après un premier échec d’homologation, une seconde convention sera signée le 06 juin 2009, prévoyant la fin du délai de rétractation au 22 juin 2009 et la date de rupture du contrat le 16 juillet 2009.

 

En l’absence de rétractation, cette convention de rupture a été adressée à l’Administration qui en a accusé réception le 24 juin 2009 et a indiqué qu’à défaut de réponse dans le délai d’instruction de 15 jours, la rupture conventionnelle serait réputée acquise le 13 juillet 2009.

 

Toutefois, cette procédure va être troublée par l’envoi, le 21 juin 2009, par le Conseil du salarié, d’un courrier envoyé à l’Administration précisant que le salarié entendait se rétracter et qu’il se considérait comme ayant été verbalement licencié, courrier confirmé par un nouvel envoi du 02 juillet 2009 dans lequel le salarié confirmait les informations s’y trouvant et cosignant le courrier avec son Conseil.

 

Puis, la société recevra une lettre prétendument de prise d’acte de la rupture en date du 02 juin 2009, mais en réalité du 02 juillet 2009.

 

La rupture ayant toutefois été considérée comme acquise en date du 13 juillet 2009 par l’employeur, le salarié, considérant qu’il avait fait l’objet d’un licenciement abusif, saisissait la Juridiction Prud’homale et demandait le paiement de diverses sommes au titre de cette rupture.

 

Débouté de ses demandes par les Premiers Juges, le salarié va interjeter appel de la décision.

 

La Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans un Arrêt du 27 février 2014, va examiner les fondements de cette affaire.

 

Relevant au final certaines incohérences du salarié dans le cadre de la procédure, et notamment le fait que dès le 22 juin 2009, le salarié avait occupé un nouvel emploi de chauffeur poids lourds, mettant ainsi à profit les nouvelles compétences professionnelles qu’il avait acquises dans le cadre de son congé individuel de formation, et relevant que ce qui aurait pu être interprété comme une rétractation de sa volonté de rompre son contrat de travail était intervenue postérieurement au 22 juin 2009, délai fixé pour la rétractation, la Chambre Sociale déboute le salarié de l’ensemble de ses demandes et confirme le Jugement des Premiers Juges.

 

Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, le salarié reproche à l’Arrêt d’Appel d’avoir considéré sa rétractation non valable bien que signée de son Avocat dument mandaté à cet effet, au motif qu’elle avait été seulement signée par le conseil et non pas par le salarié, sans avoir recherché si l’Avocat n’avait pas agi au nom et pour le compte de son client, lequel avait en outre ensuite ratifié la démarche.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre le salarié dans cette argumentation.

 

Relevant au contraire que le droit de rétractation dont dispose chacune des parties à la convention de la rupture doit être exercé par l’envoi à l’autre partie d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception et qu’ayant relevé que la lettre avait été adressée, non pas à l’autre partie signataire de la rupture conventionnelle, mais à l’Administration, la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision en constatant l’absence de validité de la rétractation.

 

Par ailleurs, le salarié fait encore grief à l’Arrêt d’Appel de l’avoir débouté de ses demandes au titre de la rupture abusive de son contrat de travail, considérant que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail était intervenue avant l’homologation de la rupture par l’Administration du Travail, de sorte que la prise d’acte était antérieure à la rupture et que la Cour d’Appel aurait dû analyser les faits invoqués par le salarié à l’appui de sa prise d’acte de la rupture pour déterminer les effets que cette dernière devaient produire.

 

Toutefois, là encore, la Chambre Sociale ne va pas suivre le salarié dans son argumentation.

 

Relevant au contraire qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture, un salarié ne peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période, et relevant que tous les manquements invoqués par le salarié étaient antérieurs à l’expiration du délai de rétractation, savoir le 22 juin 2009, la Chambre Sociale rejette le pourvoi du salarié.

 

C’est la première fois à notre connaissance que la Chambre Sociale a à connaître du cas où un salarié tente de faire échec à la rupture conventionnelle par la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, cet Arrêt apporte des informations intéressantes sur l’articulation entre les deux dispositifs.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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