Prescription biennale des prêts immobiliers : joue-t-elle pour les prêts d’investissement locatif ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2017, n°16-10.105, F-P+B

 

I – Les faits

 

Une banque a consenti 6 prêts immobiliers à des époux, en vue d’acquérir divers lots de copropriété au sein d’une résidence. Suite à des impayés, la banque a fait pratiquer des saisies-attribution sur les comptes des emprunteurs, auxquelles ils se sont opposés, avec succès, la cour d’appel estimant que les emprunteurs ayant la qualité de consommateurs, la prescription biennale de l’article L.137-2 du Code de la consommation (aujourd’hui L.218-2)[1] s’appliquait, prescription acquise au cas présent.

 

II – L’arrêt de cassation

 

Saisie d’un pourvoi formé par la banque, le Cour de cassation est interrogée sur le champ d’application de l’article L.137-2 du Code de la consommation, et notamment son champ d’application ratione personae. Par la décision ci-commentée, la Haute juridiction apporte des précisions.

 

En effet, les emprunteurs sont des époux qui souhaitaient acquérir des lots de copropriété destinés à la location dans le cadre d’un dispositif de défiscalisation, et pour cela, le mari s’était inscrit au RCS comme loueur en meublé professionnel, à côté de son activité principale d’ophtalmologiste. La cour d’appel n’avait pas retenu la qualité de professionnel des époux, dans la mesure où l’immatriculation du mari au RCS n’était pas opposable à la femme et surtout, dès lors qu’aucune activité économique réelle n’était exercée par les époux dont les objectifs étaient uniquement la défiscalisation. De ce postulat, les juges du fond ont dénié la qualité de professionnel aux époux emprunteurs.

 

Pour casser l’arrêt d’appel, la Cour de cassation fait application de l’article L.312-3 du Code de la consommation (aujourd’hui L. 313-2), dont le 2°, exclut du champ d’application du chapitre sur le crédit immobilier, les prêts « destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance ».

 

Autrement dit, le prêt souscrit par des personnes physiques qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles en jouissance, est destiné à financer une activité professionnelle.

 

III – Une précision des notions de consommateur et de professionnel, en matière d’investissement locatif

 

C’est tout l’intérêt de cette décision. La définition du consommateur est désormais posée par la loi « Hamon » du 17 mars 2014, qui a créé un article liminaire au Code de la consommation, en vertu duquel un consommateur est « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».

 

Cette disposition exclut non seulement les personnes morales, mais surtout les personnes physiques agissant à des fins professionnelles. La Cour de cassation s’attache exclusivement à la finalité du prêt immobilier pour en déterminer son caractère professionnel ou consumériste.

 

La Haute juridiction a déjà précisé que les sociétés civiles immobilières ne peuvent exciper de la prescription biennale[2]. Une question se pose alors : toute personne qui investit dans du locatif, aux fins de défiscalisation, devient-elle professionnelle et échappe-t-elle à la protection du consommateur ? Nous ne le pensons pas.

 

En effet, si l’investisseur n’est pas inscrit au RCS (location meublée), et ne tire pas une part substantielle de ses revenus de son activité immobilière (caractère habituel ou non de l’opération), il serait sévère de lui dénier la protection du consommateur.

 

En tout état de cause, la précision apportée ici par la Cour de cassation est la bienvenue pour les banques, la prescription biennale pouvant parfois s’avérer être… un véritable couperet.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 


[1] « l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans »

[2] Cass. civ.1ère, 22 sept. 2016, n°15-18.154, F-D 

 

Partager cet article
Vivaldi Avocats