SOURCE : Cour d’appel de Paris, 1er octobre 2019, Stéphane B et al. c. Artprice.com SA
Monsieur Stéphane B photographe professionnel qui réalise des photographies d’œuvres d’art et de meubles pour les catalogues des maisons de ventes aux enchères, et la société CAMARD ET ASSOCIES, maison de vente qui organise de nombreuses ventes volontaires aux enchères publiques ont assigné la société ARTPRICE en référé devant le tribunal de grande instance de Paris, estimant qu’elle portait atteinte à leurs droits d’auteur et commettait des actes de concurrence déloyale et parasitaire à leur encontre du fait de la numérisation et de la reproduction, sans autorisation, des catalogues et des photographies les illustrant, dans sa base de données accessible sur son site internet artprice.com.
Après avoir obtenu gain de cause en référé (décision confirmée en appel), l’interdiction sous astreinte d’utiliser le catalogue ARCURIAL ainsi que des indemnités provisionnelles, le photographe et la maison de vente aux enchères ont assigné ARTPRICE au fond.
Ces derniers ont fait constater par huissier que la société ARTPRICE avait extrait des catalogues Pierre BERGE, “Art moderne et contemporain”, vente du 28 janvier 2009, et CAMARD “Arts décoratifs du XXème siècle”, vente du 18 juin 2002 et numérisé les seules photographies pour les mettre en ligne sur son site ARTPRICE.COM.
Peu de temps après, la société CAMARD a découvert que les photographies de ses catalogues étaient accessibles sur le site ARTPRICE.COM par tous les internautes, même sans abonnement.
Par jugement du 30 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes indemnitaires de la société CAMARD fondées :
sur la contrefaçon de droits d’auteur, faute selon elle d’originalité des 70 catalogues litigieux,
sur la contrefaçon de sa marque, considérant que la reproduction de la dénomination “CAMARD” était nécessaire à l’authentification des catalogues mis en ligne sur le site internet ARTPRICE.COM,
sur la concurrence déloyale.
Il n’a pas plus reconnu d’originalité aux photographies de Stéphane B et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes tant sur le fondement du droit d’auteur que du parasitisme.
Il a néanmoins reconnu des actes de parasitisme dans le chef de la société ARTPRICE à l’encontre de la société CAMARD et l’a condamnée à lui verser 100.000,00 euros d’indemnités à ce titre ainsi qu’à supprimer sous astreinte toute reproduction des catalogues sur son site.
L’appel formé contre ce jugement par l’ensemble des parties a confirmé les condamnations à l’encontre d’ARTPRICE fondées sur les actes de parasitisme et réformé le jugement pour le surplus en reconnaissant cette fois :
la protection par le droit d’auteur de la majorité des catalogues de la société CAMARD ;
des actes de contrefaçon de la marque CAMARD, commis par la société ARTPRICE en reproduisant et mettant en ligne sur son site lesdits catalogues sans autorisation, justifiant des dommages et intérêts à hauteur de 120 000€ ;
la protection au titre des droits d’auteur des 8779 photographies dont le photographe est l’auteur ;
la contrefaçon de droits d’auteur au préjudice du photographe constituée par reproduction intégrale des catalogues dans lesquelles elles figuraient ;
un préjudice non seulement économique mais également moral résultant en particulier de l’atteinte à son droit à la paternité sur ses œuvres et à son droit à leur intégrité, qu’elle a évalué respectivement à 544 298 € et 100000€ ;
la nécessité d’ordonner sous astreinte la publication de la décision dans Le Figaro, Les Échos, La Tribune et La Gazette Drouot, ainsi que sur le site internet ARTPRICE.COM
La Cour de cassation, dans un arrêt du 5 avril 2018, a cassé et annulé partiellement l’arrêt de la cour d’appel, seulement en ce qu’il a :
condamné la société ARTPRICE à payer à M. B la somme de 100 000 € en réparation de son préjudice moral,
rejeté la demande de M. B en réparation d’actes de parasitisme,
dit qu’en reproduisant sans autorisation la marque française “CAMARD”, la société ARTPRICE a commis des actes de contrefaçon de cette marque,
et condamné la société ARTPRICE à payer à la société CAMARD la somme de 120 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de ces actes de contrefaçon de marque.
La Cour d’appel de renvoi statuant dans les limites de la cassation partielle intervenue,
a infirmé le jugement en ce qu’il a :
rejeté la demande de M.B en réparation des atteintes portées à son droit moral d’auteur
débouté M. B de sa demande fondée sur le parasitisme,
dit que la reproduction de la marque “CAMARD” est nécessaire à l’authentification des catalogues mis en ligne sur le site internet artprice.com et, en conséquence, débouté la société CAMARD de sa demande fondée sur la marque “CAMARD”,
Et statuant à nouveau a confirmé le montant des indemnités prononcées par la Cour.
C’est de toute évidence aux termes d’un long parcours judiciaire, que photographes et maisons de vente se sont vu accorder la protection par le droit d’auteur pour leurs œuvres photographiques et catalogues ainsi que la protection de leurs investissements.
Céline JABOT
VIVALDI Avocats